Redemptor Hominis

Nouvelle évangélisation : "Ecclesia in Europa" de Jean-Paul II

EXHORTATION APOSTOLIQUE POST-SYNODALE ECCLESIA IN EUROPA DE SA SAINTETÉ LE PAPE JEAN-PAUL II AUX ÉVÊQUES AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES AUX PERSONNES CONSACRÉES ET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS SUR JÉSUS CHRIST, VIVANT DANS L'ÉGLISE, SOURCE D'ESPÉRANCE POUR L'EUROPE

 

INTRODUCTION

 

Annonce joyeuse pour l'Europe

1. L'Église en Europe a accompagné en esprit de participation ses évêques réunis  en Synode pour la deuxième fois, tandis qu'ils se livraient à une méditation sur Jésus Christ, vivant dans l'Église, source d'espérance pour l'Europe.

C'est un thème que je veux moi aussi, reprenant avec mes frères évêques les  paroles de la Première Lettre de saint Pierre, proclamer à tous les chrétiens  d'Europe au début du troisième millénaire. «         N'ayez aucune crainte [...], ne  vous laissez pas troubler. C'est le Seigneur, le Christ, que vous devez  reconnaître dans vos cœurs comme le seul Saint. Vous devez toujours être prêts à  vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de  l'espérance qui est en vous » (3, 14-15).1

Cette annonce a retenti continuellement tout au long du grand Jubilé de l'An  2000, auquel le Synode, qui s'est tenu juste avant, a été étroitement lié, étant  en quelque sorte une porte qui s'ouvrait sur lui.2        Le Jubilé a été «         un chant unique, ininterrompu, de louange à la Trinité          », un vrai «         chemin de réconciliation » et un « signe d'espérance authentique  pour ceux qui  regardent le Christ et son Église ».3 Nous laissant en héritage la joie de la rencontre vivifiante avec le  Christ, qui est «         le même, hier, aujourd'hui et pour l'éternité         » (He 13, 8), il nous a proposé de nouveau le Seigneur Jésus comme fondement unique et  indéfectible de la véritable espérance.

 

Un deuxième Synode pour l'Europe

2. L'approfondissement du thème de l'espérance constituait dès le début le but  principal de la Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques.  Dernier des séries de Synodes de caractère continental tenus en préparation du  grand Jubilé de l'An 2000,4        il avait pour buts d'analyser la situation de l'Église en Europe et de  donner des orientations pour promouvoir une nouvelle annonce de l'Évangile,  comme je l'ai souligné dans la convocation que j'ai rendue publique le 23 juin 1996, au terme de l'Eucharistie célébrée au  stade olympique de Berlin.5

L'Assemblée synodale ne pouvait omettre de reprendre, de vérifier et de  développer ce qui était ressorti lors du précédent Synode consacré à l'Europe,  qui s'était réuni en 1991, au lendemain de la chute des murs, sur le thème «          Pour que nous soyons témoins du Christ qui nous a libérés         ». Dans cette  première Assemblée spéciale étaient apparues l'urgence et la nécessité de la «          nouvelle évangélisation         », dans  la certitude que «         l'Europe ne doit pas purement et simplement en appeler  aujourd'hui à son héritage chrétien antérieur: il lui faut trouver la capacité  de décider à nouveau de son avenir dans la rencontre avec la personne et le  message de Jésus Christ         ».6

Neuf ans après, la conviction que « l'Église a le devoir pressant d'apporter à  nouveau aux Européens l'annonce libératrice de l'Évangile » 7        s'est présentée encore une fois avec sa force stimulante. Le thème choisi  pour la nouvelle Assemblée synodale proposait encore, sous l'angle de  l'espérance, le même défi. Il s'agissait donc de proclamer cette annonce  d'espérance à une Europe qui semblait l'avoir perdue.8

 

L'expérience du Synode

3. L'Assemblée synodale, qui a eu lieu du 1er        au 23 octobre 1999, s'est avérée une précieuse occasion de rencontre,  d'écoute et de confrontation: on y a approfondi la connaissance réciproque  entre évêques des diverses parties de l'Europe et avec le Successeur de Pierre,  et tous ensemble nous avons pu nous édifier mutuellement, grâce surtout au  témoignage de ceux qui, sous les anciens régimes totalitaires, ont supporté pour  la foi de dures et longues persécutions.9        Une fois encore, nous avons vécu des moments de communion dans la foi et  dans la charité, animés par le désir de réaliser un fraternel «         échange de  dons         », enrichis réciproquement par la diversité des expériences de chacun.10

Il en est ressorti la volonté d'accueillir l'appel que l'Esprit adresse aux  Églises en Europe pour les mobiliser face aux nouveaux défis.11        Le regard rempli d'amour, les participants de la rencontre synodale  n'ont pas craint d'observer la réalité actuelle du continent, notant ses  lumières et ses ombres. Il en ressort une claire conscience que la situation est  marquée par de graves incertitudes dans les domaines culturel, anthropologique,  éthique et spirituel. Une volonté croissante s'est affirmée tout aussi  clairement, celle de pénétrer dans cette situation et de l'interpréter pour voir  les tâches qui attendent l'Église; il en est résulté «         des orientations utiles  afin de rendre toujours plus visible le visage du Christ par une annonce plus  incisive, corroborée par un témoignage cohérent         ».12

4. Le fait de vivre l'expérience synodale avec un discernement évangélique a  fait mûrir progressivement la conscience de l'unité qui, sans nier les  différences provenant des vicissitudes historiques, lie les diverses parties  de l'Europe. C'est une unité qui, s'enracinant dans une commune inspiration  chrétienne, sait harmoniser les traditions culturelles et qui requiert, sur le  plan social comme sur le plan ecclésial, une progression constante dans la  connaissance réciproque ouverte à un plus grand partage des valeurs de chacun.

Peu à peu, au cours du Synode, est devenue évidente une forte propension à  l'espérance. Tout en  faisant leurs les analyses de la complexité caractéristique du continent, les  Pères synodaux ont compris que la plus grande urgence peut-être qui l'envahit, à  l'Est comme à l'Ouest, est un besoin accru d'espérance, capable de donner un  sens à la vie et à l'histoire, et d'aider à marcher ensemble. Toutes les  réflexions du Synode ont cherché à répondre à ce besoin à partir du mystère  du Christ et du mystère trinitaire. Le Synode a voulu proposer à nouveau la  figure de Jésus vivant dans son Église, révélateur du Dieu Amour qui est  communion des trois Personnes divines.

 

L'icône de l'Apocalypse

5. Par la présente Exhortation post-synodale, je suis heureux de pouvoir  partager avec l'Église qui est en Europe les fruits de cette Deuxième Assemblée  spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques. Je désire ainsi répondre au  souhait exprimé au terme des assises synodales, quand les Pasteurs m'ont  transmis les textes de leurs réflexions, et m'ont prié de donner à l'Église en  marche en Europe un document sur le thème même du Synode.13

«         Celui qui a des oreilles, qu'il entende ce que l'Esprit dit aux Églises!         »  (Ap 2, 7). En annonçant à l'Europe l'Évangile de l'espérance, je prendrai  pour guide le Livre de l'Apocalypse, «         révélation prophétique         » qui  révèle à la communauté des croyants le sens caché et profond de ce qui arrivera  (cf. Ap 1, 1). L'Apocalypse nous place devant une parole adressée aux  communautés chrétiennes, afin qu'elles sachent interpréter et vivre leur insertion dans  l'histoire, avec ses interrogations et ses tribulations, à la lumière de la  victoire définitive de l'Agneau immolé et ressuscité. En même temps, nous nous  trouvons face à une parole qui engage à vivre en abandonnant la tentation  permanente de bâtir la cité des hommes sans tenir compte de Dieu ou même contre  lui. En effet, si cela se vérifiait, ce serait la convivialité humaine elle-même  qui essuierait, à plus ou moins brève échéance, une défaite irrémédiable.

L'Apocalypse contient un encouragement adressé aux croyants: au-delà de toute  apparence, et même si l'on n'en voit pas encore les effets, la victoire du  Christ est déjà advenue et elle est définitive. Il s'ensuit une tendance à se  placer face aux vicissitudes humaines dans une attitude de confiance  fondamentale, qui découle de la foi dans le Ressuscité, présent et agissant dans  l'histoire.

 

CHAPITRE I

JÉSUS CHRIST EST NOTRE ESPÉRANCE

«        Sois sans crainte. Je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant        »        (Ap 1, 17-18)

 

Le Ressuscité est toujours avec nous

6. En un temps de persécutions, de tribulations et d'égarement pour l'Église à  l'époque de l'auteur de l'Apocalypse (cf. Ap 1, 9), la parole qui  retentit dans la vision est une parole d'espérance : «         Sois sans  crainte. Je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant: j'étais mort, mais  me voici vivant pour les siècles des siècles, et je détiens les clés de la mort  et du séjour des morts         » (Ap 1, 17- 18). Nous sommes ainsi placés face à  l'Évangile, à la «         bonne nouvelle         », qui est Jésus Christ lui- même. Il  est le Premier et le Dernier : en Lui, toute l'histoire trouve son  commencement, sa signification, sa direction, son accomplissement; en Lui et  avec Lui, dans sa mort et sa résurrection, tout a déjà été dit. Il est le  Vivant : il était mort, mais maintenant il vit pour toujours. Il est l'Agneau qui se tient debout face au trône de Dieu (cf. Ap 5, 6) : il  est immolé, car il a versé son sang pour nous sur le bois de la Croix ; il  est debout, car il est revenu à la vie pour toujours et il nous a montré  la toute-puissance infinie de l'amour du Père. Il tient fermement dans ses  mains les sept étoiles (cf. Ap 1, 16), c'est-à-dire l'Église de Dieu  persécutée, en lutte contre le mal et contre le péché, mais qui a également le  droit d'être joyeuse et victorieuse parce qu'elle est entre les mains de Celui  qui a déjà vaincu le mal. Il marche au milieu des sept chandeliers d'or (cf. Ap 2, 1) : il est présent et agissant dans son Église en prière. Il est aussi «         celui qui vient         » (Ap 1, 4) à travers la mission et l'action de  l'Église tout au long de l'histoire humaine; il vient comme le moissonneur  eschatologique, à la fin des temps, pour porter toute chose à son  accomplissement (cf. Ap 14, 15-16 ; 22, 20).

 

I. Défis et signes d'espérance pour l'Église en Europe

L'obscurcissement de l'espérance

7. Cette parole est aussi adressée aujourd'hui aux Églises en Europe,  souvent tentées par l'obscurcissement de l'espérance. En effet, le temps que  nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque  d'égarement. Beaucoup d'hommes et de femmes semblent désorientés, incertains,  sans espérance, et de nombreux chrétiens partagent ces états d'âme. Nombreux  sont les signes préoccupants qui, au début du troisième millénaire,  troublent l'horizon du continent européen, lequel, «         tout en étant riche  d'immenses signes de foi et de témoignage, et dans le cadre d'une vie commune  certainement plus libre et  plus unie, ressent toute l'usure que l'histoire ancienne et récente a provoquée  dans les fibres les plus profondes de ses populations, entraînant souvent la  déception         ».14

Parmi les nombreux aspects, amplement rappelés aussi à l'occasion du Synode,15        je voudrais mentionner la perte de la mémoire et de l'héritage  chrétiens, accompagnée d'une sorte d'agnosticisme pratique et  d'indifférentisme religieux, qui fait que beaucoup d'Européens donnent  l'impression de vivre sans terreau spirituel et comme des héritiers qui ont  dilapidé le patrimoine qui leur a été légué par l'histoire. On n'est donc plus  tellement étonné par les tentatives de donner à l'Europe un visage qui exclut  son héritage religieux, en particulier son âme profondément chrétienne, fondant  les droits des peuples qui la composent sans les greffer sur le tronc irrigué  par la sève vitale du christianisme.

Certes, les prestigieux symboles de la présence chrétienne ne manquent pas dans  le continent européen, mais avec l'expansion lente et progressive de la  sécularisation, ils risquent de devenir un pur vestige du passé. Beaucoup  n'arrivent plus à intégrer le message évangélique dans l'expérience quotidienne ;  il est de plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus dans un contexte  social et culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis au défi  et menacé ; dans de nombreux milieux de vie, il est plus facile de se dire athée  que croyant ; on a l'impression que la non-croyance va de soi tandis que la  croyance a  besoin d'une légitimation sociale qui n'est ni évidente ni escomptée. 

8. Cette perte de la mémoire chrétienne s'accompagne d'une sorte de peur  d'affronter l'avenir. L'image du lendemain qui est cultivée s'avère souvent  pâle et incertaine. Face à l'avenir, on ressent plus de peur que de désir. On en  trouve des signes préoccupants, entre autres, dans le vide intérieur qui  tenaille de nombreuses personnes et dans la perte du sens de la vie. Parmi les  expressions et les conséquences de cette angoisse existentielle, il faut compter  en particulier la dramatique diminution de la natalité, la baisse des vocations  au sacerdoce et à la vie consacrée, la difficulté, sinon le refus, de faire des  choix définitifs de vie, même dans le mariage.

On assiste à une fragmentation diffuse de l'existence ; ce qui  prévaut, c'est une sensation de solitude; les divisions et les oppositions se  multiplient. Parmi les autres symptômes de cet état de fait, la situation  actuelle de l'Europe connaît le grave phénomène des crises de la famille et de  la disparition du concept même de famille, la persistance ou la réactivation de  conflits ethniques, la résurgence de certaines attitudes racistes, les  tensions interreligieuses elles-mêmes, l'attitude égocentrique qui enferme les  personnes et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d'une indifférence éthique  générale et de la crispation excessive sur ses propres intérêts et privilèges.  Pour beaucoup de personnes, au lieu d'orienter vers une plus grande unité du  genre humain, la  mondialisation en cours risque de suivre une logique qui marginalise les plus  faibles et qui accroît le nombre des pauvres sur la terre.

Parallèlement à l'expansion de l'individualisme, on note un affaiblissement  croissant de la solidarité entre les personnes : alors que les institutions  d'assistance accomplissent un travail louable, on observe une disparition du  sens de la solidarité, de sorte que, même si elles ne manquent pas du nécessaire  matériel, beaucoup de personnes se sentent plus seules, livrées à elles-mêmes,  sans réseau de soutien affectif.

9. À la racine de la perte de l'espérance se trouve la tentative de faire  prévaloir une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de  penser a conduit à considérer l'homme comme «         le centre absolu de la réalité,  lui faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n'est  pas l'homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l'homme. L'oubli de Dieu a conduit  à l'abandon de l'homme         », et c'est pourquoi, «         dans ce contexte, il n'est pas  surprenant que se soient largement développés le nihilisme en philosophie, le  relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme  cynique, dans la manière d'aborder la vie quotidienne         ».16        La culture européenne donne l'impression d'une «         apostasie silencieuse         »  de la part de l'homme comblé qui vit comme si Dieu n'existait pas.

Dans une telle perspective prennent corps les tentatives, renouvelées tout  récemment encore, de présenter la culture européenne en faisant  abstraction de l'apport du christianisme qui a marqué son développement  historique et sa diffusion universelle. Nous sommes là devant l'apparition d'une nouvelle culture, pour une large part influencée par les médias, dont les  caractéristiques et le contenu sont souvent contraires à l'Évangile et à la  dignité de la personne humaine. De cette culture fait partie aussi un  agnosticisme religieux toujours plus répandu, lié à un relativisme moral et  juridique plus profond, qui prend racine dans la perte de la vérité de l'homme  comme fondement des droits inaliénables de chacun. Les signes de la disparition  de l'espérance se manifestent parfois à travers des formes préoccupantes de ce  que l'on peut appeler une «         culture de mort         ».17

 

L'inéluctable nostalgie de l'espérance

10. Mais, comme l'ont souligné les Pères synodaux, «         l'homme ne peut pas  vivre sans espérance: sa vie serait vouée à l'insignifiance et deviendrait  insupportable         ».18        Bien souvent, celui qui a besoin d'espérance croit pouvoir trouver un  apaisement dans des réalités éphémères et fragiles. Et ainsi, l'espérance,  emprisonnée dans un milieu purement humain fermé à la transcendance, est  identifiée, par exemple, au paradis promis par la science et par la technique,  ou à des formes diverses de messianisme, au bonheur de nature hédoniste procuré  par le consumérisme ou au bonheur imaginaire et artificiel produit par des  stupéfiants, à certaines formes de millénarisme, à l'attrait des philosophies  orientales, à la recherche de formes de spiritualité ésotériques, aux divers  courants du New Age.19

Mais tout cela se révèle profondément illusoire et incapable de satisfaire la  soif de bonheur que le cœur de l'homme continue à ressentir en lui-même. Ainsi  subsistent et s'intensifient les signes préoccupants de la disparition de  l'espérance, qui parfois se manifestent même à travers des formes d'agressivité  et de violence.20

 

Signes d'espérance

11. Aucun être humain ne peut vivre sans perspectives d'avenir, et moins encore  l'Église, qui vit dans l'attente du Royaume qui vient et qui est déjà présent  dans ce monde. Il serait injuste de ne pas voir les signes de l'influence de l'Évangile du  Christ        dans la vie des sociétés. Les Pères synodaux les ont recherchés et  soulignés.

Il faut inscrire parmi ces signes le retour à la liberté pour l'Église dans  l'Est européen, avec les nouvelles possibilités ainsi ouvertes pour l'action  pastorale ; le fait pour l'Église de se concentrer sur sa mission spirituelle et  sur son engagement à vivre le primat de l'évangélisation, même dans ses rapports  avec la réalité sociale et politique ; la prise de conscience accrue de la  mission propre de tous les baptisés, dans la diversité et la complémentarité des  dons et des tâches; la présence plus marquée de la femme dans les structures et  dans les milieux de la communauté chrétienne.

 

Une communauté de peuples

12. En considérant l'Europe en tant que communauté de citoyens, on ne manque pas  de signes qui ouvrent à l'espérance ; malgré les contradictions de  l'histoire, nous pouvons, avec un regard de foi, voir en eux la présence de  l'Esprit de Dieu qui renouvelle la face de la terre. Les Pères synodaux les ont  décrits ainsi à la fin de leurs travaux : «         Nous constatons avec joie l'ouverture croissante des peuples les uns aux autres, la réconciliation entre nations longtemps hostiles et ennemies, l'élargissement progressif  du processus d'unification aux pays de l'Est européen. Reconnaissances, collaborations et échanges de tous ordres sont en développement, de sorte  que se crée peu à peu une culture européenne, on peut même dire  une conscience européenne, dont nous espérons qu'elle pourra faire  croître, spécialement auprès des jeunes, le sentiment de la fraternité et la  volonté du partage. Nous enregistrons comme positif le fait que tout ce  processus se développe selon des méthodes démocratiques, sur un mode  pacifique et dans un esprit de liberté qui respecte et valorise les  légitimes diversités, suscitant et soutenant le processus d'unification de  l'Europe. Nous saluons avec satisfaction ce qui a été fait pour préciser les  conditions et les modalités du respect des droits humains. Dans le  contexte, enfin, de la légitime et nécessaire unité économique et politique en  Europe, tandis que nous enregistrons les signes de l'espérance qu'offre la  considération accordée au droit et à la qualité de la vie, nous  souhaitons vivement que, dans une fidélité créatrice à la tradition humaniste et  chrétienne de notre continent, soit garanti le primat des valeurs éthiques et  spirituelles         ».21

 

Les martyrs et les témoins de la foi

13. Mais je voudrais attirer l'attention en particulier sur certains signes qui  se sont manifestés dans la vie proprement ecclésiale. Tout d'abord, avec les  Pères synodaux, je veux proposer de nouveau à tous, afin qu'il ne soit jamais  oublié, le grand signe d'espérance constitué par les nombreux témoins de la  foi chrétienne qui ont vécu au siècle dernier, à l'Est comme à l'Ouest. Ils  ont su faire leur l'Évangile dans des situations d'hostilité et de persécution,  souvent jusqu'à l'épreuve finale de l'effusion du sang.

Ces témoins, en particulier ceux qui ont affronté l'épreuve du martyre, sont un  signe éloquent et grandiose, qu'il nous est demandé de contempler et d'imiter.  Ils attestent à nos yeux la vitalité de l'Église ; ils nous apparaissent comme  une lumière pour l'Église et pour l'humanité, car ils ont fait resplendir dans  les ténèbres la lumière du Christ ; appartenant à diverses confessions  chrétiennes, ils resplendissent de ce fait comme un signe d'espérance pour le  cheminement œcuménique, dans la certitude que leur sang «         est aussi une sève  d'unité pour l'Église         ».22

Plus radicalement encore, ils nous disent que le martyre est  l'incarnation suprême de l'Évangile de l'espérance: «         En effet, les martyrs  annoncent cet Évangile et en témoignent par leur vie jusqu'à l'effusion du sang,  car ils sont certains de ne pas pouvoir vivre sans le Christ et ils sont prêts à  mourir pour lui, dans la conviction que Jésus est le Seigneur et le Sauveur des  hommes et qu'en lui  seulement l'homme peut donc trouver la véritable plénitude de la vie. De cette  façon, selon l'avertissement de l'Apôtre Pierre, ils se montrent prêts à rendre  compte de l'espérance qui est en eux (cf. 1 P 3, 15). En outre, les  martyrs célèbrent l' “Évangile de l'espérance”, car l'offrande de leur vie est  la manifestation la plus grande et la plus radicale de ce sacrifice vivant,  saint et accepté par Dieu, qui constitue le véritable culte spirituel (cf. Rm 12, 1), origine, âme et sommet de toute célébration chrétienne. Enfin, ils  servent l' “Évangile de l'espérance” parce que, par leur martyre, ils expriment  au plus haut degré l'amour et le service de l'homme, en ce qu'ils démontrent que  l'obéissance à la loi évangélique engendre une vie morale et une convivialité  qui honorent et promeuvent la dignité et la liberté de chaque personne         ».23

 

La sainteté de beaucoup

14. La conversion opérée par l'Évangile a donné comme fruit la sainteté de beaucoup d'hommes et de femmes de notre temps. Non seulement de ceux qui ont  été proclamés officiellement comme tels par l'Église, mais aussi de ceux qui,  avec simplicité et dans la vie quotidienne, ont donné le témoignage de leur  fidélité au Christ. Comment ne pas penser aux innombrables fils et filles de  l'Église qui, tout au long de l'histoire du continent européen, ont vécu une  généreuse et authentique sainteté dans le secret de la vie familiale,  professionnelle et sociale ? « Tous ensemble, tels des “pierres vivantes”  adhérant au  Christ, la “pierre angulaire”, ils ont construit l'Europe comme édifice  spirituel et moral, en laissant à la postérité l'héritage le plus précieux. Le  Seigneur Jésus l'avait promis : “Celui qui croit en moi accomplira les mêmes  œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le  Père” (Jn 14, 12). Les saints sont la preuve vivante de l'accomplissement  de cette promesse et ils encouragent à croire que cela est possible, même dans  les heures les plus difficiles de l'histoire         ».24

 

La paroisse et les mouvements ecclésiaux

15. L'Évangile continue à porter ses fruits dans les communautés paroissiales,  parmi les personnes consacrées, dans les associations de laïcs, dans les groupes  de prière et d'apostolat, dans diverses communautés de jeunes, comme aussi à  travers la présence et la diffusion de réalités et de mouvements ecclésiaux  nouveaux. En chacun d'eux, en effet, le même Esprit sait susciter un don de soi  renouvelé à l'Évangile, une généreuse disponibilité pour le service, une vie  chrétienne marquée par la radicalité évangélique et par l'élan missionnaire.

Aujourd'hui encore en Europe, dans les pays anciennement communistes comme en  Occident, la paroisse, tout en ayant besoin d'un renouvellement constant,25        garde encore et continue d'exercer une mission indispensable et de grande  actualité dans le domaine pastoral et ecclésial. Elle reste en mesure d'offrir  aux fidèles le milieu adapté pour un exercice réel de la vie chrétienne et d'être le lieu d'une  authentique humanisation et socialisation, que ce soit dans un contexte de  dispersion et d'anonymat propre aux grandes villes modernes, ou dans les zones  rurales peu peuplées.26

16. En même temps, tandis que j'exprime ma grande estime pour la présence et  l'action des diverses associations et organisations d'apostolat, en particulier  de l'Action catholique, avec les Pères synodaux je voudrais souligner la  contribution propre que peuvent offrir, en communion avec les autres réalités  ecclésiales et jamais de manière isolée, les nouveaux mouvements ecclésiaux  et les nouvelles communautés ecclésiales. En effet, «         ils aident les  chrétiens à vivre plus radicalement selon l'Évangile ; ils sont le berceau de  diverses vocations et ils engendrent de nouvelles formes de consécration ; ils  promeuvent surtout la vocation des laïcs et l'amènent à s'exprimer dans les  divers milieux de vie ; ils favorisent la sainteté du peuple ; ils peuvent être  une annonce et une exhortation pour ceux qui n'ont pas d'autre occasion de  rencontrer l'Église ; bien souvent, ils soutiennent le cheminement œcuménique et  ouvrent les voies au dialogue interreligieux ; ils sont un antidote contre la  diffusion des sectes ; ils apportent une aide importante à la diffusion de la  vivacité et de la joie dans l'Église         ».27

 

Le cheminement œcuménique

17. Nous remercions le Seigneur pour le grand et stimulant signe d'espérance  constitué par les progrès qu'a su réaliser le cheminement œcuménique à  l'enseigne de la vérité, de la charité et de la réconciliation. Il s'agit là de  l'un des grands dons de l'Esprit Saint pour un continent comme l'Europe, qui a  donné naissance aux graves divisions entre les chrétiens du deuxième millénaire  et qui souffre encore beaucoup de leurs conséquences.

Je me souviens avec émotion de certains moments de grande intensité vécus durant  les travaux synodaux et de la conviction unanime, exprimée également par les  Délégués fraternels, que ce cheminement – malgré les problèmes qui subsistent  encore et ceux, nouveaux, qui naissent peu à peu – ne peut être interrompu, mais  qu'il doit se poursuivre avec une ardeur renouvelée, avec une détermination plus  profonde et avec l'humble disposition de tous au pardon réciproque. Je fais  volontiers miennes certaines expressions des Pères synodaux, car «         le progrès  dans le dialogue œcuménique, qui a son fondement le plus profond dans le Verbe  même de Dieu, représente un signe de grande espérance pour l'Église  d'aujourd'hui: la croissance de l'unité entre les chrétiens est en effet un  enrichissement mutuel pour tous         ».28        Il faut «         considérer avec joie les progrès obtenus jusqu'à maintenant  dans le dialogue, tant avec les frères des Églises orthodoxes qu'avec ceux des  Communautés ecclésiales provenant de la Réforme, reconnaissant en eux un signe  de l'action de l'Esprit, pour laquelle nous devons louer et remercier le  Seigneur         ».29

 

II. Revenir au Christ, source de toute espérance

Confesser notre foi

18. De l'Assemblée synodale a jailli, lumineuse et puissante, la certitude que  l'Église doit offrir à l'Europe le bien le plus précieux, que personne d'autre  ne peut lui donner: la foi en Jésus Christ, source de l'espérance qui ne déçoit  pas.30        Ce don est à l'origine de l'unité spirituelle et culturelle des peuples  européens et, aujourd'hui encore comme à l'avenir, il peut constituer une  contribution essentielle à leur développement et à leur intégration. Oui, en ce  début du troisième millénaire, après vingt siècles, l'Église se présente  toujours avec la même annonce, qui constitue son unique trésor : Jésus Christ est  le Seigneur ; en Lui et en nul autre est le salut (cf. Ac 4, 12). La  source de l'espérance, pour l'Europe et pour le monde entier, c'est le Christ,  et l'Église est «         le chemin par lequel passe et se répand la vague de grâce  surgie du Cœur transpercé du Rédempteur         ».31

À partir de cette confession de foi jaillit de nos cœurs et de nos lèvres «         une  joyeuse [...] confession d'espérance : Toi, Seigneur ressuscité et vivant,  [...] tu es l'unique et vraie espérance de l'homme et de l'histoire; tu es  “parmi nous l'espérance de la gloire” (Col 1, 27), déjà en cette vie et  aussi par-delà la mort. En toi et avec toi, nous pouvons accéder à la vérité,  notre existence a un sens, la communion est possible, la diversité peut devenir  richesse, la puissance du Règne est à  l'œuvre dans l'histoire et aide à l'édification de la cité des hommes, la  charité donne une valeur durable aux efforts de l'humanité, la souffrance peut  devenir salvifique, la vie vaincra la mort, la création participera à la gloire  des fils de Dieu         ».32

 

Jésus Christ, notre espérance

19. Jésus Christ est notre espérance parce que Lui, le Verbe éternel qui est  éternellement dans le sein du Père (cf. Jn 1, 18), nous a aimés au point  d'assumer notre nature humaine, excepté le péché, partageant notre vie pour nous  sauver. La confession de cette vérité est au cœur même de notre foi. La perte de  la vérité sur Jésus Christ ou son incompréhension empêchent de pénétrer dans le  mystère même de l'amour de Dieu et de la communion trinitaire.33

Jésus Christ est notre espérance parce qu'Il révèle le mystère de la Trinité.  Tel est le centre de la foi chrétienne qui peut encore offrir, comme elle l'a  fait jusqu'à présent, une importante contribution à la mise en place de  structures qui, en s'inspirant des grandes valeurs évangéliques ou en se  mesurant à leur aune, promeuvent la vie, l'histoire et la culture des différents  peuples du continent.

Nombreuses sont les racines qui, par leur sève, ont conduit à reconnaître la  valeur de la personne et de sa dignité inaliénable, le caractère sacré de la vie  humaine et le rôle central de la famille, l'importance de l'enseignement et de  la liberté de pensée, d'expression et de religion, tout comme elles ont conduit  à la protection juridique  des individus et des groupes, à la promotion de la solidarité et du bien commun,  à la reconnaissance de la dignité du travail. Ces racines ont favorisé la  sujétion du pouvoir politique à la loi et au respect du droit des personnes et  des peuples. Il convient de rappeler ici l'esprit de la Grèce antique et de  Rome, l'apport des peuples celtes, germaniques, slaves, finno-ougriens, ainsi  que de la culture juive et du monde de l'islam. Mais il faut reconnaître que,  historiquement parlant, ces inspirations ont trouvé dans la tradition  judéo-chrétienne une force capable de les harmoniser, de les consolider et de  les promouvoir. C'est un fait que l'on ne peut ignorer; au contraire, dans le  processus de construction de la «         maison commune européenne         », il faut  reconnaître que cet édifice doit s'appuyer aussi sur les valeurs qui ont trouvé  dans la tradition chrétienne leur pleine manifestation. En prendre acte tourne à  l'avantage de tous.

L'Église «         n'a pas qualité pour exprimer une préférence en faveur de l'une ou  l'autre solution institutionnelle ou constitutionnelle         » de l'Europe, et elle  veut donc respecter de manière cohérente la légitime autonomie de l'ordre civil.34        Mais elle a le devoir de raviver dans le cœur des chrétiens d'Europe la  foi en la Trinité, en sachant bien qu'une telle foi est un signe avant-coureur  d'une authentique espérance pour le continent. Bien des grands paradigmes de  référence mentionnés ci-dessus, qui sont à la base de la civilisation  européenne, ont leurs racines les plus profondes dans la foi trinitaire. Cette  dernière porte en elle une extraordinaire puissance spirituelle, culturelle et  éthique, capable, entre autres, d'éclairer aussi certaines grandes questions qui  se posent aujourd'hui en Europe, telles que la désagrégation sociale et la perte  d'une référence qui donne un sens à la vie et à l'histoire. Il apparaît donc  nécessaire de renouveler la réflexion théologique, spirituelle et pastorale du  mystère trinitaire.35

20. Les Églises particulières en Europe ne sont pas de simples entités ou  organisations privées. En réalité, elles déploient leur action dans une  dimension institutionnelle spécifique qui mérite d'être mise en valeur sur le  plan juridique, dans le plein respect du bon ordonnancement civil. Réfléchissant  sur elles-mêmes, les communautés chrétiennes doivent se découvrir à nouveau  comme un don par lequel Dieu enrichit les peuples qui vivent sur le continent.  Telle est l'annonce joyeuse qu'elles sont appelées à transmettre à toute  personne. En approfondissant la dimension missionnaire qui leur est propre,  elles doivent attester constamment que Jésus Christ «         est l'unique  médiateur, porteur de salut pour l'humanité tout entière: en lui seulement  l'humanité, l'histoire et le cosmos trouvent leur signification définitivement  positive et se réalisent en totalité ; il recèle en lui-même, dans son événement  et dans sa personne, les raisons ultimes du salut; il n'est pas seulement un  médiateur de salut, il est aussi la source même de ce salut         ».36

Dans le contexte actuel du pluralisme éthique et religieux qui caractérise de  plus en plus l'Europe, il est donc nécessaire de confesser et de proposer à  nouveau la vérité sur le Christ, unique Médiateur entre Dieu et les hommes, et  unique Rédempteur du monde. C'est pourquoi – comme je l'ai fait à la fin de  l'Assemblée synodale – avec toute l'Église j'invite mes frères et sœurs dans la  foi à savoir constamment s'ouvrir en toute confiance au Christ et à se laisser  renouveler par lui, annonçant à toute personne de bonne volonté, avec la force  de la paix et de l'amour, que celui qui rencontre le Seigneur connaît la Vérité,  découvre la Vie, trouve la Voie qui y conduit (cf. Jn 14, 6 ; Ps 16  [15], 11). Par le style de vie des chrétiens et par leur témoignage en parole,  les habitants de l'Europe pourront découvrir que le Christ est l'avenir de  l'homme. Dans la foi de l'Église, «         il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné  aux hommes, par lequel nous devions être sauvés         » (Ac 4, 12).37

21. Pour les croyants, Jésus Christ est l'espérance de toute personne parce  qu'il donne la vie éternelle. Il est «         le Verbe de vie         » (1 Jn 1, 1), venu dans le monde pour que les hommes «         aient la vie et l'aient en  surabondance         » (Jn 10, 10). Il nous montre ainsi que le sens véritable  de l'existence de l'homme ne reste pas enfermé sur l'horizon humain, mais qu'il  s'ouvre sur l'éternité. Chaque Église particulière en Europe a la mission de  prendre en compte la soif de vérité de toute personne et le besoin de valeurs  authentiques  susceptibles d'animer les peuples du continent. Avec une énergie renouvelée, il  lui revient de présenter la nouveauté qui la fait vivre. Il s'agit de mettre en  œuvre une action culturelle et missionnaire organique qui, par des activités et  des argumentations convaincantes, montre que la nouvelle Europe a besoin de  retrouver ses racines profondes. Dans ce contexte, ceux qui s'inspirent des  valeurs évangéliques ont une fonction essentielle à exercer, qui fait partie du  fondement solide sur lequel doit être édifiée une convivialité plus humaine et  plus pacifique, parce qu'elle respecte tous et chacun.

Il est nécessaire que les Églises particulières en Europe sachent redonner à  l'espérance sa dimension eschatologique originale.38        La véritable espérance chrétienne est en effet théologale et  eschatologique, fondée sur le Ressuscité qui viendra de nouveau comme Rédempteur  et Juge, et qui nous appelle à la résurrection et au bonheur éternel.

 

Jésus Christ vivant dans l'Église

22. En retournant au Christ, les peuples européens pourront retrouver  l'espérance qui seule offre une plénitude de sens à la vie. Aujourd'hui encore,  ils peuvent le rencontrer car Jésus est présent, il vit et il agit au cœur de  son Église : il est dans l'Église et l'Église est en lui (cf. Jn 15,  1ss ; Ga 3, 28 ; Ep 4, 15-16 ; Ac 9, 5). En elle, par le don  de l'Esprit Saint, il poursuit constamment son œuvre de salut.39

Avec les yeux de la foi, nous devenons capables de voir la présence mystérieuse  de Jésus dans les divers signes qu'il nous a laissés. Avant tout, il est présent  dans la sainte Écriture, qui, en toutes ses parties, parle de Lui (cf. Lc 24, 27. 44- 47). Cependant, de manière vraiment unique, il est présent sous les  espèces eucharistiques. Cette «         présence, on la nomme “réelle”, non à titre  exclusif, comme si les autres présences n'étaient pas “réelles”, mais par  excellence parce qu'elle est substantielle et que par elle le Christ,  Homme-Dieu, se rend présent tout entier         ».40        En effet, dans l'Eucharistie «         sont contenus vraiment, réellement et  substantiellement, le Corps et le Sang conjointement avec l'âme et la  divinité de notre Seigneur Jésus Christ, et, par conséquent, le Christ tout  entier         ».41        «         L'Eucharistie est vraiment “mysterium fidei”, mystère qui  dépasse notre intelligence et qui ne peut être accueilli que dans la foi         ».42        Réelle aussi est la présence de Jésus dans les autres actions liturgiques  que l'Église célèbre en son nom. Au nombre de celles-ci, il faut compter les  sacrements, actions du Christ qu'il accomplit par l'intermédiaire des hommes.43

Jésus est aussi présent dans le monde par d'autres modes tout à fait réels, et  spécialement dans ses disciples qui, fidèles au double commandement de la  charité, adorent Dieu en esprit et en vérité (cf. Jn 4, 24) et témoignent  par leur vie de l'amour fraternel qui les fait reconnaître comme disciples du  Seigneur (cf. Mt 25, 31-46 ; Jn 13, 35 ; 15, 1-17).44

 

CHAPITRE II

L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE CONFIÉ À L'ÉGLISE DU NOUVEAU MILLÉNAIRE

«         Réveille-toi, ranime ce qui te reste de vie défaillante !         » (Ap        3, 2)

 

I. Le Seigneur appelle à la conversion

Jésus s'adresse aujourd'hui à nos Églises

23. «         Ainsi parle celui qui tient les sept étoiles en sa droite et qui marche  au milieu des sept candélabres d'or [...], le Premier et le Dernier, celui qui  fut mort et qui a repris vie [...], le Fils de Dieu         » (Ap 2, 1. 8. 18).  C'est Jésus lui-même qui parle à son Église. Son message s'adresse  à toutes les Églises particulières et concerne leur vie interne, parfois marquée  par la présence de conceptions et de mentalités incompatibles avec la tradition  évangélique, souvent en butte à diverses formes de persécutions et, de façon  plus périlleuse encore, menacée par des symptômes préoccupants de  sécularisation, de perte de la foi des origines, de compromis avec la logique du  monde. Il est fréquent que les communautés aient perdu l'amour d'antan (cf. Ap 2, 4).

On constate que nos communautés ecclésiales sont affrontées à des  faiblesses, à des lassitudes et à  des contradictions. Elles ont besoin, elles aussi, d'écouter à nouveau la voix  de l'Époux qui les invite à la conversion, qui les pousse à se lancer avec  audace sur des chemins nouveaux et qui les appelle à s'engager dans la grande  œuvre de la «         nouvelle évangélisation         ». L'Église doit constamment se  soumettre au jugement de la parole du Christ et vivre son existence humaine dans  un état de purification pour être toujours plus et toujours mieux l'Épouse sans  tache ni ride, revêtue de lin d'une blancheur éclatante (cf. Ep 5, 27 ; Ap 19, 7-8).

C'est ainsi que Jésus Christ appelle nos Églises en Europe à la conversion et elles deviennent alors, avec leur Seigneur et par la force de sa  présence, porteuses d'espérance pour l'humanité.

 

L'action de l'Évangile tout au long de l'histoire

24. L'Europe a été largement et profondément pénétrée par le christianisme.  «         Il n'y a pas de doute que, dans l'histoire complexe de l'Europe, le  christianisme représente un élément central et caractéristique, renforcé par le  solide fondement de l'héritage classique et des contributions multiples  apportées par divers mouvements ethniques et culturels qui se sont succédée au  cours des siècles. La foi chrétienne a façonné la culture du continent et a été  mêlée de façon inextricable à son histoire, au point que celle-ci serait  incompréhensible sans référence aux événements qui ont caractérisé d'abord la  grande période de l'évangélisation, puis les longs siècles au cours desquels le  christianisme, malgré la douloureuse division entre l'Orient et l'Occident,  s'est affirmé comme la religion des Européens eux-mêmes. Dans la période moderne  et contemporaine aussi, lorsque l'unité religieuse s'est progressivement  fractionnée tant à cause de nouvelles divisions intervenues entre les chrétiens  qu'en raison des processus qui ont amené la culture à se détacher des  perspectives de la foi, le rôle de cette dernière a gardé un relief non  négligeable         ».45

25. L'intérêt que l'Église porte à l'Europe provient de sa nature même et  de sa mission. Tout au long des siècles en effet, l'Église a eu des liens très  étroits avec notre continent, si bien que le visage spirituel de l'Europe s'est  trouvé modelé par les efforts de grands missionnaires, par le témoignage de  saints et de martyrs, et par l'action assidue de moines, de religieux et de  pasteurs. À partir de la conception biblique de l'homme, l'Europe a forgé sa  culture humaniste dans ce qu'elle a de meilleur; elle y a puisé son inspiration  pour ses créations intellectuelles et artistiques; elle a élaboré des normes de  droit et, par-dessus tout, elle a promu la dignité de la personne, source de  droits inaliénables.46        Ainsi l'Église, dépositaire de l'Évangile, a contribué à répandre et à  affermir les valeurs qui ont donné un caractère universel à la culture  européenne.

Se souvenant de tout cela, l'Église d'aujourd'hui se rend compte, avec une  responsabilité renouvelée, qu'il est urgent de ne pas perdre  ce précieux patrimoine et d'aider l'Europe à se construire elle-même en  redonnant vie aux racines chrétiennes de ses origines.47

 

Pour façonner un véritable visage d'Église

26. Que l'ensemble de l'Église en Europe entende comme lui étant adressés le  commandement et l'invitation du Seigneur : reviens à moi, convertis-toi, «          Réveille-toi, ranime ce qui te reste de vie défaillante !         » (Ap 3, 2).  C'est une exigence qui se fait jour aussi lorsqu'on observe notre temps : «         La  grave situation d'indifférence religieuse de tant d'Européens, le grand nombre  de ceux qui, sur notre continent aussi, ne connaissent pas encore Jésus Christ  et son Église, et qui ne sont pas encore baptisés, le sécularisme qui gagne une  large frange de chrétiens qui pensent, décident et vivent de manière habituelle  comme si “le Christ n'existait pas”, tout cela, loin d'éteindre notre espérance,  la rend plus humble et plus capable de se fier à Dieu seul. De sa miséricorde,  nous recevons la grâce et l'engagement de la conversion         ».48

27. Même si parfois, comme dans l'épisode évangélique de la tempête apaisée (cf. Mc 4, 35-41 ; Lc 8, 22-25), on a l'impression que le Christ dort et  abandonne sa barque à la fureur des vagues, il est demandé à l'Église en Europe  de cultiver la certitude que le Seigneur, par le don de son Esprit, est toujours présent et agit toujours en elle et dans l'histoire de l'humanité.  Il prolonge sa mission dans le  temps, faisant de l'Église un fleuve de vie nouvelle qui se répand dans la vie  de l'humanité comme un signe d'espérance pour tous.

Dans un contexte où l'on est facilement tenté par l'activisme, même sur le plan  pastoral, il est demandé aux chrétiens en Europe de continuer à être un vrai  reflet du Ressuscité, en vivant dans une communion intime avec lui. On a  besoin de communautés qui, contemplant et imitant la Vierge Marie, figure et  modèle de l'Église par sa foi et sa sainteté,49        gardent le sens de la vie liturgique et de la vie intérieure. Avant tout  et surtout, elles devront louer le Seigneur, le prier, l'adorer et écouter sa  Parole. Ce n'est qu'ainsi qu'elles pourront assimiler son mystère, vivant  totalement pour Lui, comme membres de son Épouse fidèle.

28. Face aux influences permanentes qui poussent à la division et à  l'opposition, les diverses Églises particulières en Europe, fortes de leur lien  avec le Successeur de Pierre, doivent s'engager à être véritablement lieu et  instrument de communion pour tout le peuple de Dieu, dans la foi et dans  l'amour.50        C'est pourquoi elles cultiveront un climat de charité fraternelle, vécue  avec une radicalité évangélique, au nom de Jésus et de son amour; elles  développeront une ambiance de rapports amicaux, de communication, de coresponsabilité, de participation, de conscience missionnaire, d'attention et  de service; elles seront animées par des attitudes d'estime, d'accueil et de  correction mutuelle (cf. Rm 12, 10 ; 15, 7-14), ainsi que de service et de  soutien réciproque (cf. Ga 5, 13 ; 6, 2), de pardon mutuel (cf. Col 3, 13) et d'édification les uns des autres (1 Th 5, 11) ; elles  s'emploieront à poursuivre une pastorale qui, mettant en valeur toutes les  légitimes diversités, favorise en même temps une collaboration cordiale entre  tous les fidèles et leurs différentes associations; elles relanceront pour cela  les organismes de participation, qui sont de précieux instruments de communion  en vue d'une action missionnaire concertée, suscitant la présence d'agents  pastoraux préparés de manière appropriée et dûment qualifiés. Ainsi, ces  Églises, animées par la communion qui est manifestation de l'amour de Dieu,  fondement et raison de l'espérance qui ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5),  seront à la fois un reflet plus resplendissant de la Trinité et un signe qui  interpelle et invite à croire (cf. Jn 17, 21).

29. Pour que la communion dans l'Église puisse être vécue plus pleinement, il  convient de mettre en valeur la variété des charismes et des vocations,  qui convergent toujours plus vers l'unité et qui peuvent l'enrichir (cf. 1 Co 12). Dans cette perspective, il est également nécessaire, d'une part, que  les nouveaux mouvements et les nouvelles communautés d'Église, «         renonçant à  toute tentation de revendiquer des droits d'aînesse et à toute incompréhension  des uns à l'égard des autres         », progressent sur le chemin d'une plus  authentique communion entre eux et avec toutes les autres réalités ecclésiales,  et qu'ils «         vivent  avec amour dans la pleine obéissance aux Évêques         » ; d'autre part, il est  nécessaire aussi que les Évêques, «         en leur manifestant l'amour paternel qui  est le propre des pasteurs         »,51        sachent reconnaître, mettre en valeur et coordonner leurs charismes et  leur présence, pour l'édification de l'unique Église.

En effet, par une collaboration croissante entre les différentes réalités  ecclésiales sous la conduite aimante des pasteurs, l'Église entière pourra  présenter à tous un visage plus beau et plus crédible, reflet plus limpide de  celui du Seigneur, et elle pourra ainsi contribuer à redonner espérance et  consolation à ceux qui la cherchent comme à ceux qui, bien qu'ils ne la  cherchent pas, en ont besoin.

Afin de pouvoir répondre à l'appel de l'Évangile à la conversion, «         il nous  faut faire tous ensemble un humble et courageux examen de conscience pour  reconnaître nos peurs et nos erreurs, pour confesser avec sincérité nos  lenteurs, nos omissions, nos infidélités et nos fautes         ».52        Loin de favoriser des attitudes défaitistes de découragement, la  reconnaissance évangélique de ses propres fautes ne pourra que susciter dans la  communauté l'expérience que vit le baptisé: la joie d'une profonde libération et  la grâce d'un nouveau départ, ce qui permet de poursuivre avec une vigueur  renouvelée le chemin de l'évangélisation.

 

Pour progresser vers l'unité des chrétiens

30. Enfin, c'est aussi dans le domaine œcuménique que l'Évangile de  l'espérance est une force et un appel à la conversion. Dans la certitude  que l'unité des chrétiens répond à la volonté du Seigneur «         pour qu'ils soient  un         » (cf. Jn 17, 11) et qu'elle se présente aujourd'hui comme une  nécessité pour une plus grande crédibilité de l'évangélisation et comme une  contribution à l'unité de l'Europe, il faut que toutes les Églises et  Communautés ecclésiales «         soient aidées et encouragées à interpréter le  cheminement œcuménique comme un mouvement où l'on “va ensemble” vers le Christ          » 53        et vers l'unité visible voulue par lui, de telle sorte que l'unité dans la  diversité resplendisse dans l'Église comme don de l'Esprit Saint, artisan de  communion.

Pour que cela se réalise, il convient que tous fournissent un effort patient et  constant, animé d'une authentique espérance et en même temps d'un sobre  réalisme, et visant à «         la mise en valeur de ce qui déjà nous unit, à l'estime  sincère et réciproque, à l'élimination des préjugés, à la connaissance et à  l'amour mutuels         ».54        Dans ce sens, le fait de s'engager pour l'unité, si l'on veut que cet  engagement repose sur des bases solides, ne peut pas ne pas comporter la  recherche passionnée de la vérité, par un dialogue et une confrontation qui,  tout en reconnaissant les résultats déjà obtenus, sachent les utiliser comme une  incitation à aller de l'avant pour surmonter les divergences qui divisent encore  les chrétiens.

31. Il est indispensable de poursuivre le dialogue avec détermination,  sans capituler devant les difficultés et les épreuves. Ce dialogue doit être  mené «         sous divers aspects (doctrinal, spirituel et pratique), en suivant la  logique de l'échange des dons, que l'Esprit suscite dans chaque Église, et en  éduquant les communautés et les fidèles, surtout les jeunes, à vivre des moments  de rencontres et à faire de l'œcuménisme bien compris une dimension ordinaire de  la vie et de l'action ecclésiales         ».55

Ce dialogue est une des préoccupations majeures de l'Église, surtout en Europe,  elle qui, au cours du précédent millénaire, a vu naître trop de divisions entre  les chrétiens et qui progresse aujourd'hui vers une plus grande unité. Nous ne  pouvons pas nous arrêter en chemin ni retourner en arrière ! Nous devons  poursuivre notre marche et vivre dans la confiance, car, avec la grâce de Dieu,  l'estime réciproque, la recherche de la vérité, la collaboration dans la charité  et surtout l'œcuménisme de la sainteté ne pourront pas ne pas porter leurs  fruits.

32. Malgré les inévitables difficultés, j'invite tout le monde à reconnaître et  à apprécier, avec amour et dans un esprit fraternel, la contribution que les Églises catholiques orientales, par leur présence même, par la richesse de  leur tradition, par le témoignage de leur «         unité dans la diversité         », par  l'inculturation qu'elles ont réalisée dans l'annonce de l'Évangile et par la  diversité de leurs rites, peuvent apporter à une édification plus  réelle de l'unité.56        En même temps, je veux une fois encore assurer les pasteurs, ainsi que nos  frères et sœurs des Églises orthodoxes, que la nouvelle évangélisation ne peut  en aucune manière être confondue avec le prosélytisme, restant sauf le devoir de  respecter la vérité, la liberté et la dignité de toute personne.

 

II. L'Église entière envoyée en mission

33. Servir l'Évangile de l'espérance par une charité qui évangélise est un devoir et une responsabilité pour tous. Quel que soit en effet le charisme  ou le ministère de chacun, la charité est la voie royale indiquée à tous et que  tous peuvent parcourir : c'est la voie que la communauté ecclésiale tout entière  est appelée à suivre sur les pas de son Maître.

 

L'engagement des ministres ordonnés

34. Les prêtres, en vertu de leur ministère, sont appelés de manière spéciale à  célébrer, à enseigner et à servir l'Évangile de l'espérance. En raison du  sacrement de l'Ordre qui les configure au Christ, Chef et Pasteur, les évêques  et les prêtres doivent conformer toute leur vie et toute leur action à Jésus;  par la prédication de la Parole, par la célébration des sacrements et en guidant  la marche de la communauté chrétienne, ils rendent présent le mystère du Christ  et, à travers l'exercice même de leur ministère, ils «         sont appelés à prolonger  la présence du Christ, unique et souverain Pasteur, en retrouvant son style de vie et en se rendant en quelque sorte  transparents à lui au milieu du troupeau qui leur est confié         ».57

Insérés dans le monde sans être du monde (cf. Jn 17,  15-16), ils sont appelés, dans la situa- tion culturelle et spirituelle présente  du continent européen, à être signes de contradiction et d'espérance pour une  société qui est malade de vivre à un niveau horizontal et qui a besoin de  s'ouvrir au Transcendant.

35. De ce point de vue, le célibat sacerdotal prend un relief particulier  comme signe d'une espérance fondée totalement sur le Seigneur. Le célibat n'est  pas une simple discipline ecclésiastique imposée par l'autorité; au contraire,  il est avant tout une grâce, un don inestimable de Dieu pour l'Église, valeur  prophétique pour le monde actuel, don de soi dans le Christ pour son Église,  source de vie spirituelle intense et de fécondité pastorale, témoignage du  Royaume eschatologique, signe de l'amour de Dieu envers ce monde en même temps  que signe de l'amour sans partage du prêtre envers Dieu et envers son peuple.58        Vécu comme réponse au don de Dieu et dépassement des tentations d'une  société hédoniste, non seulement le célibat favorise l'épanouissement humain de  celui qui y est appelé, mais il se révèle un facteur de croissance pour les  autres aussi.

Estimé dans toute l'Église comme un bien pour le sacerdoce,59        exigé comme une obligation par l'Église latine,60        tenu en grand respect par les  Églises orientales,61        le célibat, dans le contexte de la culture actuelle, apparaît comme un  signe éloquent qui doit être conservé comme un bien précieux pour l'Église. Une  révision de la discipline actuelle en ce domaine ne permettrait pas de résoudre  la crise des vocations au presbytérat à laquelle on assiste en de nombreuses  régions d'Europe.62        Le service de l'Évangile de l'espérance requiert aussi que, dans l'Église,  on s'efforce de présenter le célibat dans toute sa richesse biblique,  théologique et spirituelle.

36. Nous ne pouvons ignorer que l'exercice du ministère sacré est confronté de  nos jours à bien des difficultés liées tant à l'ambiance culturelle qu'à la  diminution du nombre de prêtres, avec l'accroissement des charges pastorales et  la fatigue qui en découlent. En conséquence, les prêtres qui se consacrent avec  un dévouement et une fidélité admirables au ministère qui leur est confié sont  encore plus dignes d'estime, de gratitude et d'affection.63

Avec confiance et gratitude, je veux moi aussi leur exprimer mes encouragements, en reprenant les propos des Pères du Synode : «         Ne perdez  pas cœur et ne vous laissez pas accabler par la fatigue ; en pleine communion  avec nous, évêques, en fraternité joyeuse avec les autres prêtres, en cordiale  responsabilité avec les consacrés et tous les fidèles laïcs, continuez votre  œuvre précieuse et irremplaçable         »64 !

Outre les prêtres, je désire évoquer aussi les diacres, qui participent  au sacrement de l'Ordre,  bien qu'à un degré différent. Envoyés pour servir la communion ecclésiale, ils  exercent, sous la direction de l'Évêque et avec son presbyterium, la «          diaconie         » de la liturgie, de la parole et de la charité.65        De cette manière qui leur est propre, ils sont au service de l'Évangile  de l'espérance.

 

Le témoignage des personnes consacrées

37. Le témoignage des personnes consacrées est particulièrement éloquent.  À ce propos, il faut avant tout reconnaître le rôle fondamental qu'ont eu le  monachisme et la vie consacrée dans l'évangélisation de l'Europe et dans  l'édification de son identité chrétienne.66        Un tel rôle ne doit pas disparaître de nos jours, au moment où une «          nouvelle évangélisation         » du continent se fait urgente et où l'établissement de  structures et de liens plus complexes le met en face d'un tournant délicat.  L'Europe a toujours besoin de la sainteté, de l'esprit prophétique, de  l'activité d'évangélisation et de service des personnes consacrées. Il convient  aussi de souligner la contribution spécifique que les Instituts séculiers et les  Sociétés de Vie apostolique peuvent apporter grâce à leur aspiration à  transformer le monde, de l'intérieur, par la puissance des béatitudes.

38. L'apport spécifique que les personnes con- sacrées peuvent fournir à  l'Évangile de l'espérance trouve son point de départ dans quelques aspects  qui caractérisent de nos jours le visage culturel et social de l'Europe.67        Ainsi, la demande de nouvelles formes de spiritualité, qui se fait sentir  aujourd'hui dans la société, doit trouver une réponse dans la reconnaissance  du primat absolu de Dieu, vécu par les personnes consacrées dans le don  total d'elles-mêmes, dans la conversion permanente d'une existence offerte  comme un vrai culte spirituel. Dans un monde marqué par le laïcisme et soumis au  vertige de la consommation, la vie consacrée, don de l'Esprit à l'Église et pour  l'Église, devient toujours plus signe d'espérance dans la mesure où elle  témoigne de la dimension transcendante de l'existence. D'autre part, dans la  situation pluriculturelle et multireligieuse actuelle, le témoignage de fraternité évangélique qui caractérise la vie consacrée est exigé, faisant  de cette dernière une incitation à la purification et à l'intégration de valeurs  différentes grâce au dépassement des antagonismes. La présence de nouvelles  formes de pauvreté et de marginalisation doit susciter la créativité qui fut  celle de tant de fondateurs d'Instituts religieux pour venir en aide à ceux  qui sont dans le besoin. Enfin, la tendance à un certain repliement sur soi  demande que l'on trouve un antidote dans la disponibilité des personnes  consacrées, afin que soit poursuivie l'œuvre de l'évangélisation sur d'autres  continents, malgré la diminution du nombre de membres que l'on constate dans  certains Instituts.

 

Le souci des vocations

39. L'engagement des ministres ordonnés et des personnes consacrées étant  déterminant, on ne  peut passer sous silence le manque inquiétant de séminaristes et de candidats à  la vie religieuse, surtout en Europe occidentale. Une telle situation exige  l'engagement de tous en faveur d'une pastorale appropriée des vocations.  C'est seulement «         quand on présente aux jeunes la personne du Christ dans toute  sa plénitude que naît en eux une espérance qui les pousse à tout laisser pour le  suivre, en réponse à son appel, et pour être ses témoins auprès de leurs  contemporains         ».68        Le souci des vocations est donc une question vitale pour l'avenir de la  foi chrétienne en Europe et, par suite, pour le progrès spirituel des peuples  qui y vivent ; c'est un passage obligé pour l'Église, si elle veut annoncer,  célébrer et servir l'Évangile de l'espérance.69

40. Pour mettre en œuvre l'indispensable pastorale des vocations, il convient de  présenter aux fidèles la foi de l'Église concernant la nature et la dignité du  sacerdoce ministériel; d'encourager les familles à vivre comme de véritables «          Églises domestiques         », afin que les diverses vocations puissent y être  discernées, accueillies et accompagnées ; de réaliser une action pastorale qui  aide les fidèles, surtout les jeunes, à faire le choix d'une vie fondée sur le  Christ et totalement consacrée à l'Église.70

Sachant que l'Esprit Saint est à l'œuvre aujourd'hui encore et que les signes de  sa présence ne manquent pas, il s'agit avant tout d'insérer la pastorale des  vocations dans tous les secteurs de la pastorale ordinaire. Pour ce faire,  il est nécessaire de «         raviver, surtout chez les jeunes, une profonde nostalgie de Dieu, créant ainsi le  contexte capable de faire surgir de généreuses réponses de vocations         » ; «         il  est urgent qu'un grand mouvement de prière traverse les communautés ecclésiales  du continent européen         », car «         le changement des conditions historiques et  culturelles exige que la pastorale des vocations soit perçue comme un des  objectifs premiers de toute la communauté chrétienne         ».71        Il est indispensable aussi que les prêtres eux-mêmes vivent et agissent en  parfaite harmonie avec leur identité sacramentelle véritable. En effet, si  l'image qu'ils donnent d'eux-mêmes est opaque ou terne, comment pourraient-ils  pousser les jeunes à les imiter ?

 

La mission des laïcs

41. La participation des fidèles laïcs à la vie de l'Église est unique:  le rôle qui leur revient dans l'annonce et le service de l'Évangile de  l'espérance est en effet irremplaçable, car, «         par eux, l'Église du Christ est  présente dans les secteurs les plus variés du monde, comme signe et source  d'espérance et d'amour         ».72        Participant pleinement à la mission de l'Église dans le monde, ils sont  appelés à montrer que la foi chrétienne est la seule réponse exhaustive aux  interrogations que la vie pose à tout homme et à toute société, et ils peuvent  implanter dans le monde les valeurs du Royaume de Dieu, promesse et gage d'une  espérance qui ne déçoit pas.

L'Europe d'hier et d'aujourd'hui connaît une présence significative et  l'exemple lumineux de telles figures de laïcs. Comme l'ont souligné les  Pères du Synode, il faut évoquer entre autres, avec gratitude, le souvenir  d'hommes et de femmes qui ont témoigné et qui témoignent du Christ et de son  Évangile, par leur service de la vie publique et les responsabilités que  celle-ci comporte. Il est d'une importance capitale «         de susciter et de  soutenir des vocations spécifiques au service du bien commun: des personnes qui,  à l'exemple et avec le style de ceux qui ont été appelés “les pères de  l'Europe”, sachent être les artisans de la société européenne de l'avenir, en  l'asseyant sur les bases solides de l'esprit         ».73

Il faut apprécier tout autant l'œuvre accomplie par des laïcs chrétiens, hommes  et femmes, souvent dans une vie ordinaire et cachée, à travers d'humbles  services qui leur permettent d'annoncer la miséricorde de Dieu à ceux qui sont  plongés dans la pauvreté ; nous devons leur être reconnaissants pour l'audacieux  témoignage de charité et de pardon qu'ils donnent, évangélisant par ces valeurs  les vastes horizons de la politique, de la vie sociale, de l'économie, de la  culture, de l'écologie, de la vie internationale, de la famille, de l'éducation,  de la vie professionnelle, du travail et de la souffrance.74        À cette fin, il est utile d'avoir des itinéraires pédagogiques qui  rendent les fidèles laïcs capables d'un engagement de foi au sein des réalités  temporelles. De tels parcours, fondés sur un sérieux apprentissage de la vie  ecclésiale, en particulier sur l'étude de la doctrine sociale, doivent être en  mesure de leur apporter non seulement la doctrine et le dynamisme, mais aussi  les éléments spirituels adaptés qui soutiennent leur engagement vécu comme un  authentique chemin de sainteté.

 

Le rôle de la femme

42. L'Église est bien consciente de l'apport spécifique de la femme dans  le service de l'Évangile de l'espérance. L'histoire de la communauté chrétienne  montre que les femmes ont toujours eu une place importante dans le témoignage  évangélique. Il faut se souvenir de tout ce qu'elles ont fait, souvent dans le  silence et de manière cachée, dans l'accueil et la transmission du don de Dieu,  aussi bien par la maternité physique ou spirituelle, les activités éducatives,  la catéchèse, l'accomplissement de grandes œuvres de charité, que par la vie de  prière et de contemplation, les expériences mystiques et la rédaction d'écrits  remplis de sagesse évangélique.75

À la lumière des très riches témoignages du passé, l'Église manifeste sa  confiance dans ce que les femmes peuvent faire aujourd'hui pour la croissance de  l'espérance à tous les niveaux. Il y a des aspects de la société européenne  contemporaine qui constituent un défi pour la capacité qu'ont les femmes  d'accueillir, de partager et d'engendrer dans l'amour, avec ténacité et  générosité. Que l'on pense, par exemple, à la mentalité scientifique et  technique largement répandue,  qui relègue dans l'ombre la dimension affective et le rôle des sentiments, à  l'absence du sens de la gratuité, à la crainte diffuse de donner la vie à des  êtres nouveaux, à la difficulté de se placer dans une relation de réciprocité  avec l'autre et d'accueillir celui qui est différent de soi. C'est dans ce  contexte que l'Église attend des femmes l'apport vivifiant d'une nouvelle vague  d'espérance.

43. Mais pour que cela puisse se vérifier, il est nécessaire que, avant tout dans l'Église, soit promue la dignité de la femme, car l'homme et la femme  ont la même dignité, ayant été créés tous deux à l'image et à la ressemblance de  Dieu (cf. Gn 1, 27), et comblés chacun de dons propres et particuliers.

Comme cela a été souligné durant le Synode, il est souhaitable que, pour  favoriser la pleine participation des femmes à la vie et à la mission de  l'Église, leurs talents soient davantage mis en valeur, y compris par  l'attribution de fonctions ecclésiales qui reviennent de droit aux laïcs. Il  faut aussi mettre convenablement en valeur la mission de la femme comme épouse  et mère, et son dévouement dans la vie familiale.76

L'Église ne manque pas d'élever la voix pour dénoncer les injustices et les  violences perpétrées contre les femmes, en quelque lieu ou circonstance qu'elles  se produisent. Elle demande que soient véritablement appliquées les lois qui  protègent les femmes et que soient prises des mesures efficaces contre l'usage  humiliant d'images féminines dans la publicité commerciale et contre  le fléau de la prostitution; elle souhaite que le service rendu par les mères  dans le cadre de la vie familiale, au même titre que le service rendu par les  pères, soit considéré comme une contribution au bien commun, y compris à travers  des formes de reconnaissance économique.

 

CHAPITRE III

ANNONCER L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE

« Va prendre le petit livre ouvert [...] et mange-le        » (Ap 10, 8. 9)

 

I. Proclamer le mystère du Christ

La révélation donne un sens à l'histoire

44. La vision de l'Apocalypse nous parle d'«         un Livre en forme de rouleau,  écrit à l'intérieur et à l'extérieur, scellé de sept sceaux         », tenu «         dans la  main droite de Celui qui siège sur le Trône céleste         » (Ap 5, 1). Ce  texte contient le plan créateur et sauveur de Dieu, son projet détaillé sur  toute la réalité, sur les personnes, sur les choses, sur les événements. Aucun  être créé, terrestre ou céleste, n'est en mesure d'«         ouvrir le livre et d'en  regarder le texte         » (Ap 5, 3), ni d'en comprendre le contenu. Dans la  confusion de l'histoire humaine, nul ne sait indiquer la direction et le sens  ultime des choses.

Seul Jésus Christ entre en possession du Livre scellé (cf. Ap 5, 6-7) ;  Lui seul est «         digne de recevoir le Livre scellé et de l'ouvrir         » (Ap 5, 9). En effet, seul Jésus est en mesure de révéler et de réaliser le projet  de Dieu qu'il contient. Laissé à lui-même, l'homme n'est pas en mesure de  donner, par ses propres efforts, un sens à l'histoire et aux événements: la vie  demeure sans espérance. Seul le Fils  de Dieu est en mesure de dissiper les ténèbres et de montrer la route

Le Livre ouvert est remis        à Jean et, à travers lui, à l'Église entière. Jean est invité à  prendre le livre et à le manger : «         Va prendre le petit livre ouvert dans la  main de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre [...]. Prends et  mange-le         » (Ap 10, 8-9). Ce n'est qu'après l'avoir assimilé en  profondeur, qu'il pourra le communiquer comme il convient aux autres, à qui il  est envoyé avec l'ordre de «         parler sur un grand nombre de peuples, de nations,  de langues et de rois         » (Ap 10, 11).

 

Nécessité et urgence de l'annonce

45. L'Évangile de l'espérance, remis à l'Église et assimilé par elle, demande  que, chaque jour, on l'annonce et on en témoigne. Telle est la vocation propre  de l'Église en tout temps et en tout lieu. Telle est aussi la mission de  l'Église aujourd'hui en Europe. «        Évangéliser est, en effet, la grâce et la  vocation propre de l'Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour  évangéliser, c'est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la  grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans  la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse        ».77

Église en Europe, la «        nouvelle évangélisation        » est le devoir qui t'attend! Sache retrouver  l'enthousiasme de l'annonce. Entends la prière qui t'est adressée aujourd'hui,  en ce début du troisième millénaire, et qui avait déjà résonné à l'aube du  premier millénaire, alors qu'apparaissait à Paul la vision d'un Macédonien qui  le suppliait : «        Traverse la mer pour venir en Macédoine à notre secours ! » (Ac 16, 9). Que la prière soit inexprimée ou même refoulée, c'est l'appel le plus  profond et le plus vrai qui jaillit du cœur des Européens d'aujourd'hui,  assoiffés d'une espérance qui ne déçoit pas. Cette espérance t'a été donnée en  partage pour que tu la redonnes toi-même avec joie à toute époque et sous toutes  les latitudes. Que l'annonce de Jésus, qui est l'Évangile de l'espérance, soit donc ta fierté et ta raison d'être ! Avance avec une ardeur  renouvelée, gardant le même esprit missionnaire qui, tout au long de ces vingt  siècles, en commençant par la prédication des Apôtres Pierre et Paul, a animé  tant de saints et de saintes, authentiques évangélisateurs du continent  européen.

 

Première annonce et annonce renouvelée

46. Dans différentes parties de l'Europe, une première annonce de l'Évangile  est nécessaire: le nombre des personnes non baptisées grandit, soit en  raison de la présence notable de personnes immigrées appartenant à d'autres  religions, soit encore parce que les enfants de familles de tradition chrétienne  n'ont pas reçu le Baptême ou à cause de la domination communiste ou d'une  indifférence religieuse diffuse.78        En réalité, l'Europe se situe désormais parmi les lieux traditionnellement  chrétiens dans lesquels, hormis une nouvelle évangélisation, s'impose dans  certains cas une première évangélisation.

L'Église ne peut se soustraire au devoir d'un diagnostic courageux qui ouvre la  voie à des thérapies appropriées. Même dans le « vieux        » continent, il y a des  aires sociales et culturelles étendues où est rendue nécessaire une véritable  mission ad gentes.79

47. Partout se fait sentir le besoin d'une annonce renouvelée, même pour ceux  qui sont déjà baptisés. Beaucoup d'Européens d'aujourd'hui pensent savoir ce  qu'est le christianisme mais ils ne le connaissent pas réellement. Souvent même,  les notions et les éléments les plus fondamentaux de la foi ne sont plus connus.  De nombreux baptisés vivent comme si le Christ n'existait pas: on répète les  gestes et les signes de la foi, spécialement à travers les pratiques du culte,  mais, à ces signes, ne correspondent ni un véritable accueil du contenu de la  foi, ni une adhésion à la personne de Jésus. Aux grandes certitudes de la foi  s'est substitué chez beaucoup un sentiment religieux vague et qui n'engage  guère ; des formes variées d'agnosticisme et d'athéisme pratique se diffusent,  contribuant à aggraver l'écart entre la foi et la vie ; certains se sont laissés  influencer par un esprit d'humanisme immanentiste qui a affaibli leur foi, les  poussant souvent, malheureusement, jusqu'à l'abandonner complètement; on assiste  à une sorte d'interprétation sécularisante de la foi chrétienne qui la ronge et  à laquelle s'ajoute une profonde crise de la conscience et de la pratique morale  chrétienne.80        Les grandes valeurs qui ont amplement inspiré la culture européenne ont  été séparées de l'Évangile, perdant ainsi leur âme la plus profonde et laissant  le champ libre à de nombreuses déviations.

« Le Fils de l'homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18, 8). La trouvera-t-il sur cette terre de notre Europe de vieille tradition  chrétienne ? C'est une question ouverte qui indique avec lucidité la profondeur  et le caractère dramatique de l'un des défis les plus graves que nos Églises  sont appelées à affronter. On peut dire – comme le Synode l'a souligné – qu'un  tel défi consiste souvent non pas tant à baptiser les nouveaux convertis qu'à  conduire les baptisés à se convertir au Christ et à son Évangile : 81        dans nos communautés, il faut se préoccuper sérieusement d'apporter  l'Évangile de l'espérance à ceux qui sont loin de la foi ou qui se sont éloignés  de la pratique chrétienne.

 

Fidélité à l'unique message

48. Pour pouvoir annoncer l'Évangile de l'espérance, une solide fidélité à  l'Évangile lui-même est nécessaire. La prédication de l'Église doit donc, sous toutes ses formes, être toujours plus centrée sur la personne de  Jésus et elle doit toujours plus orienter vers lui. Il faut veiller à ce qu'Il  soit présenté dans son intégralité : non seulement comme modèle éthique, mais  avant tout comme le Fils de Dieu, l'unique et nécessaire Sauveur de tous, qui  vit et qui agit dans son Église. Pour que l'espérance soit vraie et  indestructible, «         la prédication intègre, claire et renouvelée de Jésus Christ  ressuscité, de la Résurrection et de la Vie éternelle         » 82        devra constituer une priorité dans l'action pastorale des prochaines  années.

Si l'Évangile à annoncer est le même en tout temps, les manières de réaliser  cette annonce sont diverses. Chacun est donc invité à « proclamer        » Jésus  et la foi en lui en toute circonstance ; à « attirer        » les autres à la foi, en  adoptant des modes de vie personnelle, familiale, professionnelle et  communautaire qui reflètent l'Évangile ; à «        rayonner » autour de soi la joie,  l'amour et l'espérance, en sorte que beaucoup voient nos bonnes œuvres et en  glorifient le Père qui est aux cieux (cf. Mt 5, 16), jusqu'à en être «  imprégnés » et conquis ; à devenir le «        levain        » qui transforme et qui anime  de l'intérieur toute expression culturelle.83

 

Par le témoignage de la vie

49. L'Europe réclame des évangélisateurs crédibles, dans la vie  desquels resplendisse la beauté de l'Évangile,84        en communion avec la croix et la résurrection du Christ. Ces  évangélisateurs seront formés comme il convient.85        Aujourd'hui, il est plus que jamais nécessaire que tout chrétien ait une conscience missionnaire, à commencer par les évêques, les prêtres, les  diacres, les consacrés, les catéchistes et les professeurs de religion : « Tout  baptisé, en tant que témoin du Christ, doit acquérir une formation appropriée à  sa situation, non seulement pour éviter que sa foi ne s'épuise par manque de  vigilance dans un milieu hostile comme l'est le milieu sécularisé, mais aussi  pour soutenir son témoignage évangélisateur et lui donner un nouvel élan ».86

«        L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou,  s'il écoute les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins        ».87        La présence et les signes de la sainteté sont donc décisifs : la  sainteté est un présupposé essentiel à une authentique évangélisation,  capable de redonner l'espérance. Il faut des témoignages forts de vie nouvelle  dans le Christ, sur le plan personnel et communautaire. Il ne suffit pas en  effet que la vérité et la grâce soient offertes à travers la proclamation de la  Parole et la célébration des Sacrements ; il faut qu'elles soient accueillies et  vécues en toute circonstance concrète, dans la façon d'être des chrétiens et des  communautés ecclésiales. C'est là un des défis les plus importants qui attendent  l'Église en Europe au début du nouveau millénaire.

 

Former à une foi adulte

50. «        L'actuelle situation culturelle et religieuse de l'Europe exige la  présence de catholiques adultes dans la foi et de communautés chrétiennes  missionnaires qui témoignent de la charité de Dieu devant tous les hommes ».88        L'annonce de l'Évangile de l'espérance implique donc d'avoir à promouvoir le passage d'une foi qui s'appuie sur des habitudes sociales,  pourtant appréciables, à une foi plus personnelle et adulte, éclairée et  convaincue.

Les chrétiens sont donc appelés à avoir une foi qui leur permette de se  confronter de manière critique à la culture actuelle, résistant à ses  séductions; d'influer avec efficacité sur les milieux culturels, économiques,  sociaux et politiques ; de manifester que la communion entre les membres de  l'Église catholique et avec les autres chrétiens est plus forte que tout lien  ethnique ; de transmettre avec joie la foi aux nouvelles générations ; d'édifier  une culture chrétienne capable d'évangéliser la culture toujours plus vaste dans  laquelle nous vivons.89

51. En plus de veiller à ce que le ministère de la Parole, la célébration de la  liturgie et l'exercice de la charité soient orientés vers l'édification et le  soutien d'une foi mûre et personnelle, il faut que les communautés chrétiennes  s'activent pour proposer une catéchèse adaptée aux différents itinéraires  spirituels des fidèles, selon la diversité de leur âge et de leurs conditions de  vie, prévoyant également des formes appropriées d'accompagnement spirituel et de  redécouverte de leur Baptême.90        Dans ce programme, la référence fondamentale sera évidemment le Catéchisme  de l'Église catholique.

En particulier, reconnaissant qu'il s'agit là d'une indiscutable priorité dans  l'action pastorale, il faut cultiver et, si nécessaire, relancer le  ministère de la catéchèse en tant qu'éducation et croissance de la foi chez  toute personne, de sorte que la semence, déposée par l'Esprit Saint et transmise  par le Baptême, pousse et parvienne à maturité. En référence constante à la  Parole  de Dieu, conservée dans la Sainte Écriture, proclamée dans la liturgie et  interprétée par la Tradition de l'Église, une catéchèse organique et  systématique constitue, sans nul doute, un instrument essentiel et primordial  pour former une foi adulte chez les chrétiens.91

52. Dans la même ligne, il faut également souligner le rôle important de la  théologie. Il existe en effet un lien intrinsèque et inséparable entre  l'évangélisation et la réflexion théologique, car cette dernière, en tant que  science ayant un statut et une méthodologie propres, vit de la foi de l'Église  et est au service de sa mission.92        Elle naît de la foi et elle est appelée à l'interpréter, en gardant son  lien imprescriptible avec la communauté chrétienne dans toutes ses composantes ;  au service de la croissance spirituelle de tous les fidèles,93        elle introduit ces derniers à la compréhension approfondie du message du  Christ.

En exerçant sa mission d'annoncer l'Évangile de l'espérance, l'Église qui est en  Europe apprécie avec gratitude la vocation des théologiens, elle  reconnaît la valeur de leur travail et elle en assure la promotion.94        Avec estime et affection, je les invite à persévérer dans le service  qu'ils accomplissent, en unissant toujours recherche scientifique et prière, en  entretenant un dialogue attentif avec la culture contemporaine, en adhérant  fidèlement au Magistère et en collaborant avec lui en esprit de communion, dans  la vérité et dans la charité, en s'imprégnant du sensus fidei du peuple  de Dieu et en contribuant à le nourrir.

 

II. Témoigner dans l'unité et dans le dialogue

La communion entre les Églises particulières

53. L'annonce de l'Évangile de l'espérance aura une force d'autant plus efficace  qu'elle sera liée au témoignage d'une unité et d'une communion profondes au sein  de l'Église. Les Églises particulières ne peuvent pas affronter seules le défi  qui les attend. Il faut une authentique collaboration entre toutes les  Églises particulières du continent, qui soit l'expression de leur communion  profonde ; collaboration d'ailleurs requise par la nouvelle réalité  européenne.95        Dans ce cadre prend place l'apport des organismes ecclésiaux européens, à  commencer par le Conseil des Conférences épiscopales d'Europe. C'est  un instrument efficace pour rechercher ensemble des voies appropriées pour  évangéliser l'Europe.96        Par l'«         échange des dons         » entre les différentes Églises particulières,  sont mises en commun les expériences et les réflexions de l'Europe de l'Ouest et  de l'Est, du Nord et du Sud, et sont partagées des orientations pastorales  communes; ainsi se manifeste de manière toujours plus significative le sentiment  collégial qui unit les évêques du continent, pour annoncer ensemble, avec audace  et fidélité, le nom de Jésus Christ, seule source d'espérance pour tous en  Europe.

 

Avec tous les chrétiens

54. Dans le même temps, apparaît comme un impératif imprescriptible le devoir  d'une collaboration œcuménique fraternelle et convaincue.

Le sort de l'évangélisation est étroitement lié au témoignage d'unité que  sauront donner tous les disciples du Christ : « Tous les chrétiens sont appelés  à accomplir cette mission selon leur vocation. La tâche de l'évangélisation  implique d'avancer l'un vers l'autre et d'avancer ensemble, en partant de  l'intérieur; évangélisation et unité, évangélisation et œcuménisme sont  étroitement liés entre eux ».97        C'est pourquoi je fais miennes de nouveau les paroles écrites par Paul VI  au Patriarche œcuménique Athenagoras Ier : «        Puisse l'Esprit Saint nous guider dans la voie de la réconciliation, afin  que l'union de nos Églises devienne un signe toujours plus lumineux d'espérance  et de réconfort au sein de l'humanité entière        ».98

 

En dialogue avec les autres religions

55. Comme pour tout l'engagement de la «         nouvelle évangélisation         », il faut  également, en ce qui concerne l'annonce de l'Évangile de l'espérance, que soit  instauré un dialogue interreligieux profond et intelligent, en  particulier avec le judaïsme et avec l'islam. «        Entendu comme méthode et comme  moyen en vue d'une connaissance et d'un enrichissement réciproques, il ne  s'oppose pas à la mission ad gentes, au contraire il lui est spécialement  lié et il en est une expression        ».99        Dans ce dialogue, il n'est pas question de se laisser prendre par une «          mentalité marquée par l'indifférentisme, malheureusement très répandue parmi  les chrétiens, souvent fondée sur des conceptions théologiques inexactes et  imprégnées d'un relativisme religieux qui porte à considérer que “toutes les  religions se valent”         ».100

56. Il s'agit plutôt de prendre une plus vive conscience du rapport qui lie  l'Église au peuple juif et du rôle singulier d'Israël dans l'histoire du  salut. Comme il était déjà apparu lors de la première Assemblée spéciale pour  l'Europe du Synode des Évêques et comme l'a rappelé également le dernier Synode,  il faut reconnaître les racines communes qui existent entre le christianisme et  le peuple juif, appelé par Dieu à une alliance qui reste irrévocable (cf. Rm 11, 29),101        puisqu'elle est parvenue à sa plénitude définitive dans le Christ.

Il est donc nécessaire de favoriser le dialogue avec le judaïsme, sachant qu'il  est d'une importance fondamentale pour la conscience chrétienne de soi et pour  le dépassement des divisions entre les Églises, et aussi d'œuvrer pour que  fleurisse un nouveau printemps dans les relations mutuelles. Cela implique que  chaque communauté ecclésiale ait à pratiquer, chaque fois que les circonstances  le permettront, le dialogue et la collaboration avec les croyants de la religion  juive. Un tel exercice suppose, entre autres, que «        l'on se souvienne de la  part que les fils de l'Église ont pu avoir dans la naissance et dans la  diffusion d'une telle attitude antisémite au cours de l'histoire, et que l'on en  demande pardon à Dieu, favorisant de toutes les manières possibles les  rencontres de réconciliation et d'amitié avec les fils d'Israël        ».102        On devra par ailleurs, dans ce contexte, se souvenir aussi des  nombreux chrétiens qui, parfois au prix de leur vie, ont aidé et sauvé leurs «          frères aînés         », surtout dans des périodes de persécution.

57. Il s'agit également de se laisser inciter à une meilleure connaissance des  autres religions, pour pouvoir instaurer un dialogue fraternel avec les  personnes de l'Europe d'aujourd'hui qui y adhèrent. En particulier, il est  important d'avoir un juste rapport avec l'islam. Comme cela s'est révélé  plusieurs fois ces dernières années à la conscience des évêques européens, ce  rapport « doit être conduit avec prudence, il faut en connaître clairement les  possibilités et les limites, et garder confiance dans le dessein de salut de  Dieu, qui concerne tous ses fils ».103        Il faut être conscient, entre autres, de la divergence notable entre la  culture européenne, qui a de profondes racines chrétiennes, et la pensée  musulmane.104

À cet égard, il est nécessaire de préparer convenablement les chrétiens qui  vivent au contact quotidien des musulmans à connaître l'islam de manière  objective et à savoir s'y confronter ; une telle préparation doit concerner en  particulier les séminaristes, les prêtres et tous les agents pastoraux. On  comprend par ailleurs que l'Église, alors qu'elle demande aux Institutions  européennes d'avoir à promouvoir la liberté religieuse en Europe, se fasse  également un devoir de rappeler que la réciprocité dans la garantie de la  liberté religieuse doit être observée  aussi dans les pays de tradition religieuse différente, où les chrétiens sont en  minorité.105

Dans ce domaine, on comprend «         l'étonnement et le sentiment de frustration des  chrétiens qui accueillent, par exemple en Europe, des croyants d'autres  religions en leur donnant la possibilité d'exercer leur culte et qui se voient  interdire tout exercice du culte chrétien dans les pays où ces croyants  majoritaires         » 106        ont fait de leur religion la seule qui soit autorisée et encouragée. La  personne humaine a droit à la liberté religieuse et, en tout point du monde,  tous «         doivent être exempts de toute contrainte de la part soit d'individus,  soit de groupes sociaux, et de quelque pouvoir humain que ce soit         ».107

 

III. Évangéliser la vie sociale

Évangélisation de la culture et inculturation de l'Évangile

58. L'annonce de Jésus Christ doit rejoindre aussi la culture européenne  contemporaine. L'évangélisation de la culture doit montrer qu'aujourd'hui  encore, dans cette Europe, il est possible de vivre en plénitude l'Évangile  comme chemin qui donne sens à l'existence. Dans cette perspective, la pastorale  doit assumer la tâche de façonner une mentalité chrétienne dans la vie  ordinaire : en famille, à l'école, dans les communications sociales, dans le  monde de la culture, du travail et de l'économie, dans la politique, dans les  loisirs, dans le temps de la santé et celui de la maladie. Il faut se confronter  de manière critique  et sereine à l'actuelle situation culturelle de l'Europe, évaluant les tendances  qui se manifestent, les faits et les situations d'importance de notre temps à la  lumière du caractère central du Christ et de l'anthropologie chrétienne.

Aujourd'hui encore, en se souvenant de la fécondité culturelle du christianisme  tout au long de l'histoire de l'Europe, il faut présenter l'approche  évangélique, théorique et pratique, de la réalité et de l'homme. Considérant, en  outre, la grande importance des sciences et des réalisations technologiques dans  la culture et dans la société de l'Europe, l'Église est appelée, à travers ses  moyens d'approfondissement théorique et d'initiative pratique, à offrir des  propositions en regard des connaissances scientifiques et de leurs applications,  montrant les insuffisances et le caractère inadéquat d'une conception inspirée  du scientisme qui ne reconnaît comme valeur objective que le savoir  expérimental, et indiquant les critères éthiques que l'homme possède parce  qu'ils sont inscrits dans sa nature.108

59. Sur le chemin de l'évangélisation de la culture prend place l'important  service accompli par les écoles catholiques. Il faudra travailler à faire  reconnaître une effective liberté d'éducation et la parité juridique entre les  écoles publiques et les écoles privées. Ces dernières sont parfois l'unique  moyen de proposer la tradition chrétienne à ceux qui en sont loin. J'exhorte les  fidèles engagés dans le monde de l'éducation à persévérer dans leur  mission, en portant la lumière du Christ Sauveur  dans leurs propres activités éducatives, scientifiques et académiques.109        En particulier, il faut donner toute son importance à la contribution des  chrétiens engagés dans la recherche et dans l'enseignement au sein des universités : par le «         service de la pensée         », ils transmettent aux jeunes  générations les valeurs d'un patrimoine culturel enrichi par deux millénaires  d'expérience humaniste et chrétienne. Convaincu de l'importance des institutions  académiques, je demande aussi que soit promue dans les différentes Églises  particulières une pastorale universitaire adaptée, favorisant ainsi ce  qui correspond aux nécessités culturelles actuelles.110

60. On ne peut oublier l'apport positif de la mise en valeur des biens  culturels de l'Église. Ils peuvent en effet représenter un facteur  particulier pour susciter à nouveau un humanisme d'inspiration chrétienne. Grâce  à une conservation appropriée et à une utilisation intelligente des biens  culturels, ceux-ci, en tant que témoignage vivant de la foi professée au long  des siècles, peuvent constituer un instrument valable pour la nouvelle  évangélisation et pour la catéchèse, et inviter à redécouvrir le sens du  mystère.

En même temps, il faut promouvoir de nouvelles expressions artistiques de la  foi, au moyen d'un dialogue constant avec les spécialistes de l'art.111        L'Église a en effet besoin de l'art, de la littérature, de la musique, de  la peinture, de la sculpture et de l'architecture, parce qu'elle doit «         rendre  perceptible et même, autant que possible, fascinant  le monde de l'esprit, de l'invisible, de Dieu         »  112        et que la beauté artistique, comme reflet de l'Esprit de Dieu, est une  marque du mystère, une invitation à rechercher le visage de Dieu, qui s'est  rendu visible en Jésus de Nazareth.

 

L'éducation des jeunes à la foi

61. Par ailleurs, j'encourage l'Église en Europe à porter une attention  croissante à l'éducation des jeunes à la foi. Fixant notre regard vers  l'avenir, nous ne pouvons pas ne pas tourner nos pensées vers eux : nous devons  nous faire proches de l'esprit, du cœur, du caractère des jeunes, pour leur  offrir une solide formation humaine et chrétienne.

Chaque fois que se rassemblent de nombreux jeunes, il n'est pas difficile de  distinguer chez eux la présence d'attitudes diversifiées. On constate leur désir  de vivre ensemble pour sortir de l'isolement, leur soif plus ou moins consciente  d'absolu ; on découvre chez eux une foi cachée qui demande à être purifiée et qui  veut suivre le Seigneur; on perçoit la décision de poursuivre le chemin déjà  entrepris et l'exigence de partager la foi.

62. À cette fin, il convient de renouveler la pastorale des jeunes,  organisée par tranches d'âge et attentive aux diverses conditions des enfants,  des adolescents et des jeunes. Il sera en outre nécessaire de lui conférer une  plus grande structure organique et une plus grande cohérence, avec une écoute  patiente des demandes des jeunes, pour les rendre acteurs de l'évangélisation et  de la construction de la société.

Dans cet esprit, il est important de promouvoir des occasions de rencontres  entre jeunes, de manière à favoriser un climat d'écoute mutuelle et de prière.  Il ne faut pas avoir peur d'être exigeant avec eux en ce qui concerne leur  croissance spirituelle. On leur montrera la route de la sainteté, les invitant à  faire des choix fermes à la suite du Christ, ce à quoi ils seront encouragés par  une vie sacramentelle intense. Ils pourront ainsi résister aux séductions d'une  culture qui souvent ne leur propose que des valeurs éphémères ou même contraires  à l'Évangile, et devenir eux-mêmes capables de faire preuve d'une mentalité  chrétienne dans tous les domaines de leur existence, y compris les  divertissements et les loisirs.113

J'ai encore vivement présent devant les yeux les joyeux visages de tant de  jeunes, véritable espérance de l'Église et du monde, signe éloquent de  l'Esprit qui ne se lasse pas de susciter des énergies nouvelles. Je les ai  rencontrés aussi bien au cours de mes voyages dans les différents pays que lors  des inoubliables Journées mondiales de la Jeunesse.114

 

L'attention aux médias

63. Étant donné l'importance des moyens de communication sociale, l'Église en  Europe ne peut pas ne pas réserver une attention particulière au monde  multiforme des médias. Cela implique entre  autres la formation appropriée des chrétiens qui œuvrent dans les médias et des  usagers des médias, en vue d'une bonne maîtrise des nouveaux langages. Un soin  spécial sera apporté au choix de personnes préparées pour la communication du  message à travers les médias. Il sera très utile aussi de procéder à un échange  d'informations et de stratégies entre les Églises sur les divers aspects et les  initiatives concernant une telle communication. Il ne faudra pas non plus  négliger la création de moyens locaux de communication sociale, y compris au  niveau paroissial.

En même temps, il s'agit d'assurer une présence dans les processus de la  communication sociale, pour la rendre plus respectueuse de la vérité de  l'information et de la dignité de la personne humaine. À ce propos, j'invite les  catholiques à participer à l'élaboration d'un code de déontologie pour ceux  qui travaillent dans les milieux de la communication sociale, en se laissant  éclairer par les critères que les organismes compétents du Saint-Siège 115        ont récemment indiqués et que les Évêques réunis en Synode avaient  énumérés ainsi : «         Respect de la dignité de la personne humaine, de ses droits,  y compris le droit à la vie privée ; service de la vérité, de la justice et des  valeurs humaines, culturelles et spirituelles ; estime des différentes cultures  pour éviter qu'elles ne se fondent dans la masse ; protection des minorités et  des plus faibles ; recherche du bien commun, au-delà des intérêts particuliers et  de la prédominance des critères purement économiques         ».116

 

La mission ad gentes

64. Une annonce de Jésus Christ et de son Évangile qui se limiterait au seul  contexte européen serait le signe d'un manque préoccupant d'espérance. L'œuvre  d'évangélisation est animée par une véritable espérance chrétienne quand elle  s'ouvre aux horizons universels, qui incitent à offrir gratuitement à tous ce  qu'on a soi-même reçu en don. La mission ad gentes devient ainsi expression d'une Église modelée par l'Évangile de l'espérance, qui  continuellement se renouvelle et se rajeunit. Telle a été au long des siècles la  conscience de l'Église en Europe: d'innombrables générations de missionnaires,  hommes et femmes, allant à la rencontre d'autres peuples et d'autres  civilisations, ont annoncé l'Évangile de Jésus Christ aux populations du monde  entier.

La même ardeur missionnaire doit animer l'Église dans l'Europe d'aujourd'hui. La diminution du nombre de prêtres et de personnes consacrées dans certains  pays ne doit empêcher aucune Église particulière de faire siennes les exigences  de l'Église universelle. Chacune saura favoriser la préparation à la mission ad gentes, de manière à répondre généreusement à l'appel qui provient encore  de beaucoup de nations et de peuples désireux de connaître l'Évangile. Les  Églises d'autres continents, particulièrement de l'Asie et de l'Afrique, se  tournent encore vers les Églises d'Europe et attendent qu'elles continuent à  répondre à leur vocation missionnaire. Les chrétiens en Europe ne peuvent être infidèles à leur histoire.117

 

L'Évangile : un livre pour l'Europe d'aujourd'hui et de toujours

65. En franchissant la Porte sainte, au début du grand Jubilé de l'An 2000, j'ai  présenté à l'Église et au monde le livre de l'Évangile. Ce geste, accompli par  chaque évêque dans les diverses cathédrales du monde, indique l'engagement qui  attend aujourd'hui et toujours l'Église dans notre continent.

Église en Europe, entre dans le nouveau millénaire avec le Livre de l'Évangile  ! Que soit entendue par chaque fidèle l'exhortation conciliaire «        à acquérir,  par une fréquente lecture des divines Écritures, “la science éminente de Jésus  Christ” (Ph 3, 8). “L'ignorance des Écritures est, en effet, l'ignorance  du Christ” ».118        Que la sainte Bible continue d'être un trésor pour l'Église et pour tout  chrétien: nous trouverons dans l'étude attentive de la Parole la nourriture et  la force pour accomplir chaque jour notre mission.

Prenons        ce Livre dans nos mains ! Recevons-le de la part du Seigneur qui  nous l'offre continuellement à travers son Église (cf. Ap 10, 8). Mangeons-le (cf. Ap 10, 9), pour qu'il devienne la vie de notre vie. Goûtons-le à fond : il nous réservera des difficultés, mais il nous  donnera aussi la joie car il est doux comme le miel (cf. Ap 10, 9-10). Nous serons comblés d'espérance et capables de communiquer cette  espérance à tout homme et à toute femme que nous rencontrons sur notre  route.

 

CHAPITRE IV

CÉLÉBRER L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE

«         À Celui qui siège sur le trône, et à l'Agneau, bénédiction, honneur, gloire et domination, dans les siècles des siècles !         » (Ap 5, 13)

Une communauté priante

66. L'Évangile de l'espérance, annonce de la vérité qui libère (cf Jn,  8, 32), doit être célébré. Devant l'Agneau de l'Apocalypse commence une liturgie  solennelle de louange et d'adoration : «        À Celui qui siège sur le trône, et à  l'Agneau, bénédiction, honneur, gloire et domination, dans les siècles des  siècles ! » (Ap 5, 13). La même vision, qui révèle Dieu et le sens de  l'histoire, se produit « le jour du Seigneur        » (Ap 1, 10), le jour de  la résurrection revécu par l'assemblée dominicale.

L'Église qui accueille cette révélation est une communauté qui prie. En priant, elle écoute son Seigneur et ce que l'Esprit lui dit : elle adore, elle loue,  elle rend grâce, et enfin elle invoque la venue du Seigneur, « Viens, Seigneur  Jésus !        » (cf. Ap 22, 16-20), affirmant ainsi qu'elle attend le salut de  Lui seul.

À toi aussi, Église de Dieu qui vis en Europe, il est demandé d'être une  communauté qui prie, célébrant ton Seigneur par les Sacrements, par la liturgie et par toute ta  vie. Dans la prière, tu redécouvriras la présence vivifiante du Seigneur. Ainsi,  enracinant en lui chacune de tes actions, tu pourras proposer de nouveau aux  Européens la rencontre avec lui-même, véritable espérance qui seule peut  satisfaire pleinement le désir ardent de Dieu, lui qui est caché sous les  diverses formes de recherche religieuse qui se font jour dans l'Europe  contemporaine.

 

I. Redécouvrir la liturgie

Le sens religieux dans l'Europe d'aujourd'hui

67. Malgré les vastes zones de déchristianisation dans le continent européen, un  certain nombre de signes permettent d'esquisser le visage d'une Église qui,  en croyant, annonce, célèbre et sert son Seigneur. En effet, il ne manque  pas d'exemples de chrétiens authentiques qui vivent des moments de silence  contemplatif, qui participent fidèlement aux propositions spirituelles qui leurs  sont faites, qui vivent l'Évangile dans leur existence quotidienne et qui en  témoignent dans les divers milieux où ils sont engagés. On peut aussi discerner  des manifestations d'une «        sainteté populaire », qui attestent que même dans  l'Europe actuelle il n'est pas impossible de vivre l'Évangile, aussi bien à un  niveau personnel que dans une authentique expérience communautaire.

68. Parallèlement à de nombreux exemples de foi authentique, il existe aussi en  Europe une religiosité vague et parfois déviante. Ses indices revêtent  souvent un caractère général et superficiel, quand ils ne sont pas carrément en  contradiction les uns avec les autres chez les personnes mêmes dont ils  proviennent. Ce sont des phénomènes manifestes de fuite dans le spiritualisme,  de syncrétisme religieux et ésotérique, de recherche à tout prix de «        l'extraordinaire        », qui peuvent conduire à des choix déviants, telle la  participation à des sectes dangereuses ou à des expériences pseudo-religieuses. 

Le désir diffus d'une nourriture spirituelle doit être accueilli avec  compréhension et purifié. À l'homme qui, même confusément, prend conscience  qu'il ne peut vivre seulement de pain, il est nécessaire que l'Église puisse  témoigner de manière convaincante de la réponse que Jésus fit au tentateur: «          Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre, mais de toute parole qui  sort de la bouche de Dieu         » (Mt 4,4).

 

Une Église qui célèbre

69. Dans le contexte de la société actuelle, souvent fermée à la transcendance,  étouffée par des comportements consuméristes, propice aux formes anciennes et  nouvelles d'idolâtrie, et en même temps assoiffée de quelque chose qui aille  au-delà de l'immédiat, la mission qui attend l'Église en Europe est tout  à la fois exigeante et exaltante. Elle consiste à redécouvrir le sens du «          mystère         » ; à renouveler les célébrations liturgiques afin qu'elles soient des signes  toujours plus éloquents de la présence du Christ Seigneur; à assurer de nouveaux  espaces au silence, à la prière et à la contemplation ; à revenir aux Sacrements,  surtout l'Eucharistie et la Pénitence, car ils sont source de liberté et de  nouvelle espérance.

C'est pourquoi, à toi, Église qui vis en Europe, j'adresse un appel  pressant : Sois une Église qui prie, qui loue Dieu, qui en reconnaît la  primauté absolue et qui l'exalte avec une foi joyeuse. Redécouvre le sens du  mystère : vis-le avec une humble gratitude ; témoignes-en avec une joie  convaincue et contagieuse. Célèbre le Salut du Christ : accueille-le  comme un don qui fait de toi son sacrement; fais de ta vie le vrai culte  spirituel qui plaît à Dieu (cf. Rm 12, 1).

 

Le sens du mystère

70. Certains symptômes révèlent un affaiblissement du sens du mystère dans les  célébrations liturgiques elles-mêmes, qui devraient au con- traire y introduire.  Il est donc urgent que dans l'Église soit ravivé le sens authentique de la  liturgie. Celle-ci, comme l'ont rappelé les Pères synodaux,119        est un instrument de sanctification; elle est une célébration de la foi de  l'Église ; elle est un moyen de transmission de la foi. Avec l'Écriture sainte et  les enseignements des Pères de l'Église, elle est source vivante d'une  authentique et solide spiritualité. Comme le souligne bien aussi la tradition  des vénérables Églises d'Orient, par la liturgie, les fidèles entrent en  communion avec la Sainte Trinité, faisant l'expérience de leur participation à  la nature divine, en tant que don de la grâce. La liturgie devient ainsi  anticipation de la béatitude finale et participation à la gloire céleste.

71. Dans les célébrations, il faut redonner à Jésus la place centrale,  afin de nous laisser éclairer et guider par lui. Nous pouvons trouver là l'une  des réponses les plus claires que nos communautés sont appelées à donner à une  religiosité vague et inconsistante. La liturgie de l'Église n'a pas pour but  d'apaiser les désirs et les peurs de l'homme, mais d'écouter et d'accueillir  Jésus le Vivant, qui honore et loue son Père, afin que nous puissions le louer  et l'honorer avec lui. Les célébrations ecclésiales proclament que notre  espérance nous vient de Dieu, par Jésus notre Seigneur.

Il s'agit de vivre la liturgie comme œuvre de la Trinité. C'est le Père  qui agit pour nous dans les mystères célébrés ; c'est lui qui nous parle, qui  nous pardonne, qui nous écoute et qui nous donne son Esprit; c'est vers lui que  nous nous tournons, lui que nous écoutons, que nous louons et que nous  invoquons. C'est Jésus qui agit pour notre sanctification, nous rendant  participants de son mystère. C'est l'Esprit Saint qui opère avec sa grâce et  fait de nous le Corps du Christ, l'Église.

La liturgie doit être vécue comme annonce et anticipation de la gloire future,  terme ultime de notre espérance. Comme l'enseigne en effet le Concile :

«         Dans la liturgie terrestre nous participons, en y goûtant par avance, à cette  liturgie céleste qui est célébrée dans la sainte cité de Jérusalem vers laquelle  nous tendons dans notre pèlerinage [...], jusqu'à ce que [le Christ], qui est  notre vie, se manifeste et que nous soyons manifestés nous-mêmes avec lui dans  la gloire         ».120

 

Formation liturgique

72. Si, après le Concile œcuménique Vatican II, une partie du chemin a été  accomplie pour vivre le sens authentique de la liturgie, il reste encore  beaucoup à faire. Il faut un renouveau régulier et une formation constante de  tous, ministres ordonnés, personnes consacrées et laïcs.

Le véritable renouveau, loin de provenir d'actes arbitraires, consiste à  développer toujours mieux la conscience du sens du mystère, de façon à faire des  liturgies des moments de communion avec le grand et saint mystère de la Trinité.  En célébrant les actions sacrées comme relation à Dieu et accueil de ses dons,  expressions d'une authentique vie spirituelle, l'Église en Europe pourra  vraiment nourrir son espérance et l'offrir à ceux qui l'ont perdue.

73. À cette fin, un grand effort de formation est nécessaire. Destinée à  favoriser la compréhension du sens véritable des célébrations de l'Église, elle  requiert, en plus d'une formation appropriée sur les rites, une spiritualité  authentique et une éducation qui permette de la vivre en  plénitude.121        On doit donc promouvoir plus intensément une véritable «         mystagogie  liturgique         », avec la participation active de tous les fidèles, chacun  selon ses attributions, aux actions sacrées, en particulier à l'Eucharistie. 

 

II. Célébrer les Sacrements

74. Une place toute particulière doit être réservée à la célébration des  Sacrements, en tant qu'actions du Christ et de l'Église ordonnées au culte à  rendre à Dieu, à la sanctification des hommes et à l'édification de la  communauté ecclésiale. Conscients qu'en eux c'est le Christ lui-même qui agit  par l'action du Saint-Esprit, nous devons célébrer les sacrements avec le plus  grand soin, en en créant les conditions favorables. Les Églises particulières du  continent auront à cœur d'intensifier leur pastorale sacramentelle pour en faire  reconnaître la profonde vérité. Les Pères synodaux ont mis en lumière cette  exigence pour répondre à deux dangers : d'une part, certains milieux ecclésiaux  semblent avoir perdu le sens authentique du sacrement et risqueraient donc de  banaliser les mystères célébrés ; d'autre part, de nombreux baptisés, attachés  aux usages et aux traditions, continuent à recourir aux sacrements aux moments  significatifs de leur existence, sans pour autant vivre conformément aux  indications de l'Église.122

 

L'Eucharistie

75. L'Eucharistie, don suprême du Christ à l'Église, rend mystérieusement  présent le sacrifice du Christ pour notre salut : « La très sainte Eucharistie  contient en effet l'ensemble des biens spirituels de l'Église, à savoir le  Christ lui-même, notre Pâque        ».123        C'est en elle, « source et sommet de toute la vie chrétienne »,124        que l'Église puise au long de son pèlerinage, y trouvant la source de  toute espérance. En effet, l'Eucharistie «         donne une impulsion à notre marche  dans l'histoire, faisant naître un germe de vive espérance dans le dévouement  quotidien de chacun à ses propres tâches         ».125

Nous sommes tous invités à confesser la foi dans l'Eucharistie, « gage  de la gloire future        », dans la certitude que la communion avec le Christ, que  nous vivons actuellement comme pèlerins dans notre existence mortelle, anticipe  la rencontre suprême le jour où «         nous serons semblables à lui, parce que nous  le verrons tel qu'il est         » (1 Jn 3, 2). L'Eucharistie est un «  avant-goût de l'éternité dans le temps        » ; elle est présence divine et communion  à cette présence ; mémorial de la Pâque du Christ, elle est par nature  dispensatrice de la grâce dans l'histoire humaine. Elle ouvre à l'avenir de  Dieu ; étant communion avec le Christ, en son corps et son sang, elle est  participation à la vie éternelle de Dieu.126

 

La Réconciliation

76. Avec l'Eucharistie, le sacrement de la Réconciliation doit aussi  jouer un rôle fondamental pour  retrouver l'espérance : « L'expérience personnelle du pardon de Dieu pour chacun de nous est en effet  le fondement essentiel de toute espérance pour notre avenir        ».127        L'une des racines de la résignation qui assaille tant de personnes  aujourd'hui doit être cherchée dans l'incapacité de se reconnaître pécheur et de  se laisser pardonner, incapacité souvent due à la solitude de ceux qui, vivant  comme si Dieu n'existait pas, n'ont personne à qui demander pardon. En revanche,  celui qui se reconnaît pécheur et qui se confie à la miséricorde du Père céleste  fait l'expérience de la joie d'une vraie libération et il peut avancer dans  l'existence sans se replier sur sa propre misère.128        Il reçoit ainsi la grâce d'un nouveau départ et il retrouve des raisons  d'espérer.

C'est pourquoi il est nécessaire que dans l'Église en Europe le sacrement de la  Réconciliation soit ravivé. Il faut cependant redire que la forme du sacrement  est la confession personnelle des péchés, suivie de l'absolution individuelle.  Cette rencontre entre le pénitent et le prêtre doit être favorisée, quelles que  soient les formes prévues du rite du Sacrement. Face à la perte largement  répandue du sens du péché et à l'affirmation d'une mentalité marquée par le  relativisme et le subjectivisme dans le domaine moral, il est nécessaire que,  dans toute communauté ecclésiale, on pourvoie à une sérieuse formation des  consciences.129        Les Pères du Synode ont insisté pour que l'on reconnaisse clairement la  vérité du péché personnel et la nécessité du pardon personnel de Dieu à travers  le ministère du prêtre.

Les absolutions collectives ne sont pas une modalité laissée à la libre  appréciation dans l'administration du sacrement de la Réconciliation.130

77. Je m'adresse aux prêtres, les exhortant à être généreusement  disponibles pour écouter les confessions et à être eux-mêmes des exemples en  s'approchant avec régularité du sacrement de la Pénitence. Je les invite à  mettre soigneusement à jour leurs connaissances dans le domaine de la théologie  morale, de manière à pouvoir affronter avec compétence les problèmes apparus  récemment dans le domaine de la morale personnelle et sociale. Puissent-ils  porter aussi une particulière attention aux conditions concrètes de vie dans  lesquelles se trouvent les fidèles et savoir les conduire patiemment à  reconnaître les exigences de la loi morale chrétienne, les aidant à vivre le  sacrement comme une joyeuse rencontre avec la miséricorde du Père céleste ! 131

 

Prière et vie

78. En plus de la célébration eucharistique, il convient de promouvoir aussi les  autres formes de prières communautaires,132        aidant à redécouvrir le lien qui existe entre ces dernières et la prière  liturgique. En particulier, tout en maintenant vivante la tradition de l'Église  latine, on doit développer les diverses expressions du culte eucharistique en  dehors de la Messe : adoration personnelle, exposition et procession, qui  sont à comprendre  comme des expressions de la foi en la permanence de la présence réelle du  Seigneur dans le  Sacrement de l'autel.133        À propos de la célébration personnelle ou communautaire de la Liturgie  des Heures, dont le Concile a aussi rappelé la grande valeur pour les  fidèles laïcs,134        on s'attachera à faire voir le lien qui la relie au mystère eucharistique.  Les familles seront encouragées à réserver un temps pour la prière en commun, de  façon à interpréter à la lumière de l'Évangile toute leur vie conjugale et  familiale. Ainsi, à partir de là et dans l'écoute de la Parole de Dieu, se  développera cette liturgie domestique qui accompagnera tous les moments  de la vie familiale.135

Toute forme de prière communautaire présuppose la prière individuelle. Entre la  personne et Dieu naît ce colloque en vérité qui s'exprime dans la louange, dans  l'action de grâce, dans la supplication adressée au Père, par Jésus Christ et  dans l'Esprit Saint. Jamais ne sera délaissée la prière personnelle, qui est  comme la respiration du chrétien. À tous aussi, on apprendra à redécouvrir le  lien entre cette dernière et la prière liturgique.

79. On réservera aussi une attention particulière à la piété populaire.136        Largement présente en diverses régions d'Europe grâce aux confréries, aux  pèlerinages et aux processions auprès de nombreux sanctuaires, elle enrichit le  cours de l'année liturgique, inspirant coutumes et usages familiaux et sociaux.  Toutes ces formes doivent être considérées avec attention, moyennant une  pastorale de promotion et de renouveau, qui les aide à développer ce qui est  expression authentique de la sagesse du peuple de Dieu. Tel est assurément le  saint Rosaire. En cette année qui lui est consacrée, il m'est cher d'en  recommander de nouveau la récitation, car, «         s'il est redécouvert dans sa  pleine signification, le Rosaire conduit au cœur même de la vie chrétienne et  offre une occasion spirituelle et pédagogique ordinaire mais féconde pour la  contemplation personnelle, la formation du peuple de Dieu et la nouvelle  évangélisation         ».137

En matière de piété populaire, il faut veiller constamment aux aspects ambigus  de certaines manifestations, les préservant des dérives séculières, du consumérisme irréfléchi ou encore des risques de superstition, afin de les  maintenir dans le cadre de formes assurées et authentiques. On fera œuvre  d'éducation, expliquant que la piété populaire doit toujours être vécue en  harmonie avec la liturgie de l'Église et en relation avec les Sacrements.

80. Il ne faut pas oublier que le « culte spirituel capable de plaire à  Dieu » (cf. Rm 12, 1) se réalise avant tout dans l'existence  quotidienne, vécue dans la charité à travers le don de soi libre et  généreux, même dans les moments d'apparente impuissance. Ainsi, la vie est  animée par une espérance indéfectible parce qu'elle s'appuie uniquement sur la  certitude de la puissance de Dieu et de la victoire du Christ : c'est une vie remplie des consolations de Dieu, par lesquelles nous sommes appelés à consoler  à notre tour ceux que nous rencontrons sur notre route (cf. 2 Co 1, 4). 

 

Le jour du Seigneur

81. Le jour du Seigneur est le moment par excellence et hautement  évocateur en ce qui concerne la célébration de l'Évangile de l'espérance.

Dans le contexte actuel, les circonstances rendent précaire pour les chrétiens  la possibilité de vivre pleinement le dimanche comme jour de la rencontre avec  le Seigneur. Il n'est pas rare qu'il se réduise à n'être qu'une «         fin de  semaine         », un simple temps d'évasion. C'est pourquoi il faut une action  pastorale organique au niveau éducatif, spirituel et social, qui aide à en vivre  le sens véritable.

82. Je renouvelle donc l'appel à redécouvrir le sens profond du jour du  Seigneur : 138        qu'il soit sanctifié par la participation à l'Eucharistie et par un repos  rempli de joie chrétienne et de fraternité. Qu'il soit célébré comme le centre  de tout le culte, comme l'annonce incessante de la vie sans fin, qui ranime  l'espérance et redonne courage sur le chemin. Ne craignons pas alors de le  défendre contre toute attaque et de tout mettre en œuvre pour que, dans  l'organisation du travail, il soit sauvegardé, de manière à être un jour  pour l'homme, au bénéfice de la société entière. En effet, si le dimanche était  privé de sa signification originelle et s'il devenait impossible en ce jour de  réserver un temps convenable à la prière, au repos, à la communion et à la joie,  il pourrait arriver «         que l'homme reste enfermé dans un horizon si réduit qu'il  ne peut plus voir le ciel ; alors, même revêtu d'un habit de fête, il devient  profondément incapable de faire la fête         ».139        Et sans la dimension de la fête, l'espérance ne trouverait pas de maison  où habiter.

 

CHAPITRE V

SERVIR L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE

«         Je connais ta conduite, ton amour, ta foi, ton sens du service, ta persévérance         » (Ap        2, 19)

Le chemin de l'amour

83. La Parole que l'Esprit adresse aux Églises contient un jugement sur leur  vie. Elle concerne les actes et les comportements : « Je connais ta  conduite        » est l'introduction qui, tel un refrain et avec peu de variantes,  apparaît dans les lettres écrites aux sept Églises. Quand les œuvres s'avèrent  positives, elles sont le fruit du labeur, de la persévérance, de l'acceptation  des épreuves, des tribulations, de la pauvreté, de la fidélité dans la  persécution, de la charité, de la foi, du service. En ce sens, elles peuvent  être lues comme la description d'une Église qui non seulement annonce et célèbre  le salut venant du Seigneur, mais qui en «         vit         » réellement.

Pour servir l'Évangile de l'espérance, l'Église qui est en Europe est elle  aussi appelée à suivre la route de l'amour. C'est une route qui passe par la  charité évangélisatrice, l'engagement multiforme dans le service, la  détermination dans une générosité sans trêve ni frontière.

 

I. Le service de la charité

Dans la communion et dans la solidarité

84. Pour toute personne, l'amour reçu et donné constitue l'expérience originaire dans laquelle naît l'espérance. «         L'homme ne peut vivre sans  amour. Il demeure pour lui-même un être incompréhensible, sa vie est privée de  sens s'il ne reçoit pas la révélation de l'amour, s'il ne rencontre pas l'amour,  s'il n'en fait pas l'expérience et s'il ne le fait pas sien, s'il n'y participe  pas fortement         ».140

Le défi pour l'Église dans l'Europe d'aujourd'hui consiste donc à aider l'homme  contemporain à faire l'expérience de l'amour de Dieu le Père et du Christ dans  l'Esprit Saint, à travers le témoignage de l'amour, qui en lui-même possède  une force évangélisatrice intrinsèque.

En définitive,«         l'Évangile         », joyeuse annonce faite à tout homme, consiste en  ceci: Dieu nous a aimés le premier (cf. Jn 4, 10.19) ; Jésus nous a aimés  jusqu'au bout (cf. Jn 13, 1). Grâce au don de l'Esprit, l'amour de Dieu  est offert aux croyants, les rendant participants de sa capacité d'aimer: il  saisit le cœur de tout disciple et de l'Église entière (cf. 2 Co 5, 14).  Précisément parce qu'il est donné par Dieu, l'amour devient commandement pour l'homme (cf. Jn 13, 34).

Vivre dans l'amour devient ainsi une joyeuse nouvelle pour tout homme,  rendant visible l'amour de Dieu qui n'abandonne personne. En fin de  compte, cela signifie donner à l'homme égaré de véritables raisons pour  continuer à espérer.

85. C'est la vocation de l'Église, comme «         signe tangible, bien que toujours  inadéquat, de l'amour vécu, de faire que les hommes et les femmes rencontrent  l'amour de Dieu et du Christ qui vient à leur recherche         ».141        «         Signe et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout  le genre humain         »,142        l'Église en témoigne lorsque les personnes, les familles et les  communautés vivent intensément l'Évangile de la charité. En d'autres termes, nos communautés ecclésiales sont appelées à être de véritables lieux  privilégiés d'entraînement à la communion.

De par sa nature même, le témoignage de la charité est appelé à s'étendre  au-delà des limites de la communauté ecclésiale, pour atteindre toute personne,  de sorte que l'amour pour tous les hommes devienne incitation à une  authentique solidarité pour l'ensemble de la vie sociale. Quand l'Église  sert la charité, elle fait en même temps croître la « culture de la solidarité  », contribuant ainsi à redonner vie aux valeurs universelles de la convivialité  humaine.

Dans cette perspective, il convient de redécouvrir le sens authentique du  bénévolat chrétien. Naissant de la foi et étant continuellement nourri par  elle, il doit conjuguer les compétences professionnelles et l'amour authentique,  poussant ceux qui s'y livrent à «         élever leurs sentiments de simple  philanthropie à la hauteur de la charité du Christ ; à reconquérir chaque jour,  dans le  labeur et la fatigue, la conscience de la dignité de tout homme ; à aller à la  découverte des besoins des personnes en ouvrant, s'il le faut, de nouvelles  voies là où le besoin se fait le plus urgent, et là où l'attention et le soutien  sont les plus déficients         ».143

 

II. Servir l'homme dans la société

Redonner espérance aux pauvres

86. À toute l'Église il est demandé de redonner espérance aux  pauvres.  Les accueillir et les servir signifie pour elle accueillir et servir le Christ (cf. Mt 25, 40). L'amour préférentiel pour les pauvres est une  dimension nécessaire de l'être chrétien et du service de l'Évangile. Aimer les  personnes et leur témoigner qu'elles sont particulièrement aimées de Dieu veut  dire reconnaître qu'elles ont une valeur en elles-mêmes, quelles que soient les  conditions économiques, culturelles et sociales dans lesquelles elles vivent,  les aidant à développer leurs potentialités.

87. Il faut par ailleurs se laisser interpeller par le phénomène du chômage, qui, dans beaucoup de pays d'Europe, constitue un grave fléau social. À cela  s'ajoutent aussi les problèmes liés à l'accroissement des flux migratoires. Il est  demandé à l'Église de rappeler que le travail est un bien que toute la société  doit prendre en charge.

Présentant à nouveau les critères éthiques qui doivent guider le marché et  l'économie, dans un  respect scrupuleux de la place centrale que l'homme y occupe, l'Église ne peut  négliger la recherche du dialogue avec les personnes engagées dans le domaine  politique et syndical, et dans le monde de l'entreprise.144        Le dialogue doit tendre à l'édification d'une Europe entendue comme  communauté de peuples et de personnes, communauté solidaire dans l'espérance,  non soumise exclusivement aux lois du marché, mais fermement préoccupée de  sauvegarder la dignité de l'homme même dans ses rapports économiques et sociaux. 

88. Qu'une attention particulière soit aussi portée à la pastorale des  malades. Considérant que la maladie est une situation qui suscite des  questions essentielles sur le sens de la vie, «         dans une société de la  prospérité et de l'efficacité, dans une culture caractérisée par l'idolâtrie du  corps, par le refus de la souffrance et de la douleur, et par le mythe de la  jeunesse éternelle         »,145        l'attention envers les malades doit être considérée comme une priorité. À  cette fin, il faut promouvoir, d'une part, une présence pastorale appropriée  dans les différents lieux de la souffrance, par exemple à travers l'engagement  d'aumôniers d'hôpitaux, de membres d'associations de bénévolat, d'institutions  sanitaires liées à l'Église, et, d'autre part, un soutien aux familles des  malades. De plus, il est nécessaire d'être proche du personnel médical et  paramédical, avec des moyens pastoraux adaptés, pour le soutenir dans son  exigeante vocation au service des malades. En effet, dans leur activité  professionnelle, les personnes qui travaillent dans le monde de la santé rendent  chaque jour un noble service à la vie. Il leur est demandé d'offrir aussi aux  patients le soutien spirituel particulier qui suppose la chaleur d'un contact  humain authentique.

89. Enfin, on ne saurait oublier qu'il est parfois fait un usage indu des  biens de la terre. Manquant en effet à la mission de cultiver et de garder  la terre avec sagesse et amour (cf Gn 2, 15), l'homme a, dans de  nombreuses régions, dévasté plaines et forêts, pollué les eaux, rendu l'air  irrespirable, bouleversé les systèmes hydrogéologiques et atmosphériques, et  provoqué la désertification de vastes zones.

Même dans ce cas, servir l'Évangile de l'espérance veut dire s'engager de  manière nouvelle pour un usage correct des biens de la terre,146        développant l'attention qui, en plus de sauvegarder des habitats naturels, défend la qualité de vie des personnes, afin de préparer pour les  générations futures un monde plus conforme au projet du Créateur.

 

La vérité sur le mariage et la famille

90. L'Église en Europe, dans toutes ses composantes, doit proposer à nouveau,  avec fidélité, la vérité sur le mariage et la famille.147        C'est une nécessité qu'elle ressent intensément en elle-même, car elle  sait qu'elle est qualifiée pour accomplir cette tâche, en vertu de la mission  évangélisatrice que lui a confiée son Époux et Seigneur, et que cette tâche  s'impose aujourd'hui de nouveau avec une insistance inégalée. De nombreux  facteurs culturels, sociaux et politiques contribuent en effet à provoquer une  crise, toujours plus évidente, de la famille. Ils compromettent, dans certaines  mesures, la vérité et la dignité de la personne humaine, et ils remettent en  cause, en la dénaturant, l'idée même de famille. La valeur de l'indissolubilité  du mariage est de plus en plus méconnue ; on revendique des formes de  reconnaissance légale des unions de fait, les mettant sur le même plan que les  mariages légitimes ; on observe même des tentatives visant à faire accepter des  modèles de couples où la différence sexuelle ne serait plus essentielle.

Dans ce contexte, il est demandé à l'Église d'annoncer avec une vigueur  renouvelée ce que dit l'Évangile sur le mariage et la famille, pour en  saisir la signification et la valeur dans le dessein salvifique de Dieu. Il est  en particulier nécessaire de réaffirmer que ces institutions sont des réalités  qui proviennent de la volonté de Dieu. Il faut redécouvrir la vérité de la  famille, en tant que communauté intime de vie et d'amour,148        ouverte à la génération de nouvelles vies ; et aussi sa dignité « d'Église  domestique » et sa participation à la mission de l'Église et à la vie de la  société.

91. Selon les Pères du Synode, il faut reconnaître que de nombreuses familles,  dans le quotidien d'une existence vécue dans l'amour, sont des témoins visibles  de la présence de Jésus qui les accompagne et qui les soutient par le don de  son Esprit. Pour affermir leur marche, on devra approfondir la théologie et la  spiritualité du mariage et de la famille ; proclamer avec fermeté et intégrité,  et montrer au moyen d'exemples efficaces la vérité et la beauté de la famille  fondée sur le mariage entendu comme union stable et féconde d'un homme et d'une  femme ; promouvoir dans toute communauté ecclésiale une pastorale familiale  organique et adaptée. En même temps, il sera nécessaire d'offrir, avec une  sollicitude maternelle de la part de l'Église, une aide à ceux qui se trouvent  dans des situations difficiles, par exemple les mères célibataires, les  personnes séparées, les divorcés, les enfants abandonnés. Dans tous les cas, il  conviendra d'encourager, d'accompagner et de soutenir une juste participation  des familles, seules ou associées, dans l'Église et dans la société, et de  veiller à ce que les États et l'Union européenne elle-même mettent en place des  politiques familiales authentiques et adaptées.149

92. Une attention particulière doit être réservée à l'éducation des jeunes et  des fiancés à l'amour, grâce à des parcours spécifiques de préparation à la  célébration du sacrement de Mariage, qui les aident à arriver jusqu'à ce jour en  vivant dans la chasteté. Dans son œuvre éducative, l'Église se montrera  prévenante, accompagnant également les jeunes époux après la célébration de leur  mariage.

93. Enfin, l'Église est aussi appelée à rencontrer, avec une bonté maternelle,  tous ceux qui sont dans des situations matrimoniales qui peuvent facilement  faire perdre l'espérance. En particulier, « face aux nombreuses familles  disloquées, l'Église se sent appelée, non pas à exprimer un jugement sévère et  distant, mais plutôt à introduire dans les plaies de tant de drames humains  la lumière de la Parole de Dieu, accompagnée du témoignage de sa  miséricorde. Tel est l'esprit avec lequel la pastorale familiale cherche à  prendre en charge également les situations des croyants qui sont divorcés et  se sont remariés civilement. Ils ne sont pas exclus de la communauté : ils  sont même invités à participer à sa vie, en accomplissant un chemin de  croissance dans la ligne des exigences évangéliques. Sans leur taire la vérité  du désordre moral objectif dans lequel ils se trouvent et des conséquences qui  en découlent quant à la pratique sacramentelle, l'Église entend leur montrer  toute sa proximité maternelle        ».150

94. S'il est nécessaire, pour servir l'Évangile de l'espérance, d'apporter une  attention particulière et prioritaire à la famille, il est tout aussi vrai que les familles elles-mêmes ont une tâche irremplaçable à accomplir à l'égard  de ce même Évangile de l'espérance. C'est pourquoi, en toute confiance et  affection, je renouvelle mon invitation à toutes les familles chrétiennes qui  vivent en Europe: «         Familles, devenez ce que vous êtes !         » Vous êtes une représentation vivante de l'amour de Dieu: Vous avez la «         mission de  garder, de révéler et de  communiquer l'amour, reflet vivant et participation réelle de l'amour de Dieu  pour l'humanité et de l'amour du Christ Seigneur pour l'Église son Épouse         ».151

Vous êtes le «         sanctuaire de la vie [...] : le lieu où la vie, don de  Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant  les exigences d'une croissance humaine authentique         ».152

Vous êtes le fondement de la société, en tant que lieu premier de l'«          humanisation         » de la personne et du «         vivre ensemble         »,153        modèle pour l'instauration de rapports sociaux vécus dans l'amour et la  solidarité.

Soyez vous-mêmes        des témoins crédibles de l'Évangile de l'espérance ! Car vous êtes « Gaudium et spes        ».154

 

Servir l'Évangile de la vie

95. Le vieillissement et la diminution de la population auxquels on assiste dans  divers pays d'Europe ne peuvent pas ne pas être des motifs de préoccupation; en  effet, la chute des naissances est le symptôme d'un rapport perturbé avec  l'avenir ; c'est une manifestation évidente d'un manque d'espérance, c'est le  signe de la « culture de mort » qui traverse la société contemporaine.155

Avec la chute de la natalité, il faut rappeler d'autres signes qui concourent à  provoquer l'éclipse de la valeur de la vie et à déchaîner  une sorte de conjuration contre elle. Parmi eux, il faut tout d'abord mentionner  avec tristesse la diffusion de l'avortement, même en utilisant des  préparations chimiques et pharmaceutiques qui le rendent possible sans devoir  recourir à un médecin, et en le soustrayant ainsi à toute forme de responsabilité  sociale ; cela est favorisé par la présence, dans les législations de nombreux  États du continent, de lois permettant un geste qui demeure un «         crime  abominable         » 156        et qui constitue toujours un grave désordre moral. On ne peut pas oublier  non plus les attentats perpétrés à travers les interventions « sur les embryons  humains qui, bien que poursuivant des buts en soi légitimes, en comportent  inévitablement le meurtre », ou bien l'utilisation détournée des techniques de  diagnostic prénatal, qui sont mises non pas au service de thérapies précoces,  parfois envisageables, mais «         d'une mentalité eugénique qui accepte  l'avortement sélectif         ».157

Il faut aussi mentionner la tendance, que l'on observe dans certaines parties de  l'Europe, à penser qu'il pourrait être permis de mettre fin sciemment à ses  jours ou à ceux d'autrui: d'où une diffusion de l'euthanasie, cachée ou  effectuée au grand jour, en faveur de laquelle les demandes et les tristes  exemples de légalisation ne manquent pas.

96. Face à cet état de fait, il est nécessaire de « servir l'Évangile de la  vie » également grâce «         à une mobilisation générale des consciences et à un effort commun d'ordre éthique, pour mettre en œuvre une  grande stratégie pour le service de la vie. Nous devons construire tous ensemble  une nouvelle culture de la vie        ».158        C'est là un grand défi qu'il faut affronter avec responsabilité, dans la  certitude que «        l'avenir de la civilisation européenne dépend en grande partie  d'une défense et d'une promotion résolues des valeurs de la vie, centre de son  patrimoine culturel        » ; 159        il s'agit en effet de rendre à l'Europe sa véritable dignité, qui est  d'être le lieu où toute personne est reconnue dans son incomparable dignité. 

Je fais volontiers miennes ces paroles des Pères du synode: «         Le synode des  évêques européens incite les communautés chrétiennes à se faire les  évangélisatrices de la vie. Il encourage les couples chrétiens et les familles  chrétiennes à se soutenir mutuellement pour demeurer fidèles à leur mission de  collaborer avec Dieu dans la génération et l'éducation de nouvelles créatures ;  il apprécie toute généreuse tentative de réagir à l'égoïsme en matière de  transmission de la vie, égoïsme nourri par de faux modèles de sécurité et de  bonheur ; il demande aux États et à l'Union européenne de mettre en œuvre des  politiques clairvoyantes qui promeuvent les conditions concrètes de logement, de  travail et d'aide sociale, en vue d'aider à la constitution de la famille et à  répondre à la vocation à la maternité et à la paternité, et qui en plus assurent  à l'Europe d'aujourd'hui la ressource la plus précieuse : les Européens de  demain         ».160

 

Bâtir une cité digne de l'homme

97. La charité active nous engage à hâter la venue du Règne de Dieu. C'est  pourquoi elle apporte son concours à la promotion des valeurs authentiques qui  sont à la base d'une civilisation digne de l'homme. Comme le rappelle en effet  le Concile Vatican II, « dans leur marche vers la cité céleste, les chrétiens  doivent rechercher et goûter les choses d'en haut; mais, par là, la gravité du  devoir de travailler en collaboration avec tous les hommes à l'édification d'un  monde plus humain, loin d'être diminuée, est plutôt accrue ».161        L'attente des cieux nouveaux et de la terre nouvelle,  loin d'éloigner de l'histoire, intensifie la sollicitude pour le monde présent  où, jusqu'à aujourd'hui, croît la nouveauté qui est germe et figure du monde à  venir.

Animés par ces certitudes de foi, engageons-nous à construire une cité digne  de l'homme! Même s'il n'est pas possible de réaliser dans l'histoire un  ordre social parfait, nous savons pourtant que tout effort sincère pour  construire un monde meilleur est accompagné de la bénédiction de Dieu et que  toute semence de justice et d'amour plantée dans le temps présent donnera son  fruit dans l'éternité.

98. Dans la construction d'une cité digne de l'homme, un rôle d'inspiration  doit être reconnu à la doctrine sociale de l'Église. À travers elle, en  effet, l'Église pose au continent européen la question de la valeur morale de sa  civilisation. Cette doctrine tire son origine de la rencontre entre, d'une  part, le message biblique et la raison, et, d'autre part, les problèmes et les  situations concernant la vie de l'homme et de la société. Par l'ensemble des  principes qu'elle propose, cette doctrine contribue à poser des bases solides  pour une vie sociale à la mesure de l'homme, dans la justice, la vérité, la  liberté et la solidarité. Tournée vers la défense et la promotion de la dignité  de la personne, fondement non seulement de la vie économique et politique, mais  aussi de la justice sociale et de la paix, elle apparaît capable d'assurer des  bases solides aux piliers sur lesquels se  bâtit l'avenir du continent européen.162        La doctrine sociale de l'Église comporte aussi les points de repères qui  permettent de défendre la structure morale de la liberté, de manière à  sauvegarder la culture et la société européennes aussi bien de l'utopie  totalitaire de la « justice sans liberté » que de celle d'une «        liberté sans  vérité » qui s'accompagne d'une fausse conception de la «        tolérance        », toutes  deux porteuses d'erreurs et d'horreurs pour l'humanité, comme en témoigne  malheureusement l'histoire récente de l'Europe elle-même.163

99. La doctrine sociale de l'Église, en raison de son lien intrinsèque avec la  dignité de la personne, est faite pour être comprise aussi par ceux qui  n'appartiennent pas à la communauté des croyants. Il est donc urgent d'en  répandre la connaissance et l'étude, dans le but de surmonter l'ignorance que  même les chrétiens ont à son endroit. C'est ce qu'exige l'Europe nouvelle en  voie de construction, elle qui a besoin de personnes éduquées selon ces valeurs  et disposées à travailler à la réalisation du bien commun. À cette fin s'avère  nécessaire la présence de laïcs chrétiens qui, dans les diverses responsabilités  de la vie civique, économique, culturelle, dans le monde de la santé, de  l'éducation et de la politique, agissent de manière à pouvoir y diffuser les  valeurs du Royaume.164

 

Pour une culture de l'accueil

100. Parmi les défis qui se posent aujourd'hui pour le service de l'Évangile de  l'espérance apparaît celui du phénomène croissant de l'immigration, qui  interroge l'Église sur sa capacité d'accueillir chaque personne, quel que soit  le peuple ou la nation auquel elle appartient. Il incite également toute la  société européenne et ses institutions à rechercher un ordre juste et des modes  de convivialité respectueux de tous, comme aussi de la législation, en vue d'une  éventuelle intégration.

Devant l'état de pauvreté, de sous-développement ou même d'insuffisance de  liberté qui, malheureusement, caractérise encore divers pays et qui pousse de  nombreuses personnes à abandonner leur terre, se fait sentir le besoin d'un  engagement courageux de tous pour la réalisation d'un ordre économique  international plus juste, qui soit en mesure de promouvoir l'authentique  développement de tous les peuples et de tous les pays.

101. Face au phénomène migratoire, l'Europe est mise au défi de trouver des  formes nouvelles et intelligentes d'accueil et d'hospitalité. C'est la  vision «         universaliste         » du bien commun qui l'exige: il faut dilater son  regard jusqu'à embrasser les exigences de toute la famille humaine. Le phénomène  même de la mondialisation demande ouverture et partage s'il veut être non pas  une source d'exclusion et de marginalisation, mais au contraire de participation  solidaire de tous à la production et à l'échange des biens.

Chacun doit s'employer à la croissance d'une solide culture de l'accueil qui, tenant compte de l'égale dignité de toute personne et du devoir de  solidarité à l'égard des plus faibles, demande que soient reconnus les droits  fondamentaux de tout migrant. Il est de la responsabilité des autorités  publiques d'exercer un contrôle sur les flux migratoires en fonction des  exigences du bien commun. L'accueil doit toujours se réaliser dans le respect  des lois et donc se conjuguer, si nécessaire, avec une ferme répression des  abus.

102. Il faut également s'employer à découvrir les formes possibles d'une véritable intégration des immigrés légitimement accueillis dans le tissu  social et culturel des diverses nations européennes. Cela exige que l'on ne cède  pas à l'indifférence à l'égard des valeurs humaines universelles et que l'on  soit attentif à sauvegarder le patrimoine culturel propre à chaque nation. Une  convivialité pacifique et un échange des richesses intérieures réciproques  rendront possible l'édification d'une  Europe qui sache être la maison commune, où chacun puisse être accueilli, où nul  ne fasse l'objet de discrimination, où tous soient traités et vivent de façon  responsable comme membres d'une seule grande famille.

103. Pour sa part, l'Église est appelée à «         continuer son action pour créer et  améliorer sans cesse ses services d'accueil et ses attentions pastorales à l'égard des immigrés et des réfugiés         »,165        pour faire en sorte que soient respectées leur dignité et leur liberté, et  que soit favorisée leur intégration.

On veillera en particulier à assurer une assistance pastorale à l'intégration  des immigrés catholiques, en respectant leur culture et l'originalité de  leurs traditions religieuses. À cette fin, il est bon de favoriser les contacts  entres les Églises d'origine des immigrés et celles qui les accueillent, en vue  d'étudier des formes d'aide qui peuvent également prévoir la présence, parmi les  immigrés, de prêtres, de personnes consacrées et d'agents pastoraux,  convenablement formés, provenant de leur pays.

Le service de l'Évangile exige en outre que l'Église, défendant la cause des  opprimés et des exclus, demande aux autorités politiques des divers États et  aux responsables des Institutions européennes de reconnaître la condition de  réfugié à ceux qui fuient leur pays d'origine en raison de menaces pour leur  vie, et aussi de faciliter leur retour dans leur pays, ainsi que de créer les  conditions pour que soit respectée la dignité de tous  les immigrés et que soient défendus leurs droits fondamentaux.166

 

III. Optons pour la charité

104. L'appel à vivre une charité active, adressé par les Pères synodaux à tous  les chrétiens du continent européen,167        représente la synthèse heureuse d'un service authentique rendu à  l'Évangile de l'espérance. Aujourd'hui, je te propose à mon tour cet appel,  Église du Christ qui vis en Europe. Que les joies et les espérances, que les  tristesses et les angoisses des Européens d'aujourd'hui, surtout des pauvres et  de ceux qui souffrent, soient aussi tes joies et tes espérances, tes tristesses  et tes angoisses, et que rien de ce qui est authentiquement humain ne manque de  trouver un écho dans ton cœur ! Regarde l'Europe et son cheminement, avec la  sympathie de celui qui apprécie tout élément positif, mais qui, en même temps,  ne ferme pas les yeux sur ce qui n'est pas en harmonie avec l'Évangile et qui le  dénonce avec force!

105. Église en Europe, accueille chaque jour avec une fraîcheur renouvelée le  don de la charité que le Seigneur t'offre et dont il te rend capable! Apprends  de lui le contenu et la mesure de l'amour ! Et sois l'Église des Béatitudes,  continuellement conformée au Christ (cf. Mt 5, 1-12).

Libre de toute entrave et de toute dépendance, sois pauvre et amie des plus  pauvres, accueillante envers toute personne et attentive à  toute forme de pauvreté, qu'elle soit ancienne ou nouvelle ! 

Continuellement purifiée par la bonté du Père, reconnais dans l'attitude de  Jésus, qui a toujours défendu la vérité tout en se montrant miséricordieux  envers les pécheurs, la norme suprême de ton action.

En Jésus, à la naissance duquel la paix fut annoncée (cf. Lc 2, 14), en  lui qui dans sa mort a abattu toute inimitié (cf. Ep 2, 14) et qui a  donné la paix véritable (cf. Jn 14, 27), sois un artisan de paix,  invitant tes fils à laisser purifier leur cœur de toute hostilité, égoïsme ou  esprit partisan, favorisant en toute circonstance le dialogue et le respect  réciproques !

En Jésus, justice de Dieu, ne te lasse jamais de dénoncer toute forme  d'injustice! En vivant dans le monde avec les valeurs du Règne qui vient, tu  seras l'Église de la charité, tu apporteras ton indispensable contribution à  l'édification en Europe d'une civilisation toujours plus digne de l'homme.

 

CHAPITRE VI

L'ÉVANGILE DE L'ESPÉRANCE POUR UNE EUROPE NOUVELLE

«         J'ai vu descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle         »        (Ap 21, 2)

La nouveauté de Dieu dans l'histoire

106. L'Évangile de l'espérance qui résonne dans l'Apocalypse ouvre le cœur à la contemplation de la nouveauté opérée par Dieu : «         Alors j'ai vu un ciel  nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre avaient  disparu, et il n'y avait plus de mer         » (Ap 21, 1). C'est Dieu lui-même  qui proclame cette nouveauté avec des mots expliquant la vision qui vient d'être  décrite : « Voici que je fais toutes choses nouvelles        » (Ap 21, 5).

La nouveauté de Dieu – pleinement compréhensible sur l'arrière-plan des choses  du passé, faites de larmes, de deuil, d'affliction et de mort (cf. Ap 21,  4) – consiste à sortir de la condition du péché et de ses conséquences, dans  laquelle se trouve l'humanité ; c'est le ciel nouveau et la nouvelle terre, la  Jérusalem nouvelle, par opposition à un ciel et à une terre anciens, à un  antique ordre des choses et à une Jérusalem vétuste, tourmentée par ses  rivalités.

Il n'est pas indifférent pour la construction de la cité de l'homme d'utiliser  l'image de la Jérusalem nouvelle qui descend «         du ciel, d'auprès de Dieu, toute  prête, comme une fiancée parée pour son époux         » (Ap 21, 2) et qui se  réfère directement au mystère de l'Église. C'est une image qui parle d'une réalité eschatologique : elle va au-delà de tout ce que l'homme peut faire;  elle est un don de Dieu qui s'accomplira dans les derniers temps. Mais elle  n'est pas une utopie: elle est une réalité déjà présente. C'est ce  qu'indique le verbe au présent utilisé par Dieu «         Voici que je fais toutes choses nouvelles         » (Ap 21, 5) – avec la précision qui suit :  « Tout est réalisé désormais         » (Ap 21, 6). Car Dieu est déjà en train  d'agir pour renouveler le monde ; la Pâque de Jésus est déjà la nouveauté de  Dieu. Elle fait naître l'Église, elle en anime l'existence, elle renouvelle et  transforme l'histoire.

107. Cette nouveauté commence à prendre forme avant tout dans la communauté  chrétienne, qui est déjà aujourd'hui «        la demeure de Dieu avec les hommes  » (cf. Ap 21, 3), au sein de laquelle Dieu est déjà à l'œuvre,  renouvelant la vie de ceux qui se soumettent au souffle de l'Esprit. L'Église  est pour le monde signe et instrument du Royaume qui se réalise avant tout dans  les cœurs. Un reflet de cette même nouveauté se manifeste aussi dans toute  forme de convivialité humaine animée par l'Évangile. Il s'agit d'une  nouveauté qui interroge la société à tout moment de l'histoire et en tout point  de la terre, particulièrement la société européenne qui, depuis de nombreux siècles, écoute  l'Évangile du Règne inauguré par Jésus.

 

I. La vocation spirituelle de l'Europe

L'Europe promotrice des valeurs universelles

108. L'histoire du continent européen est marquée par l'influence vivifiante de  l'Évangile. « Si nous tournons notre regard vers les siècles passés, nous ne  pouvons pas manquer de rendre grâce au Seigneur pour le fait que le christianisme a été pour notre continent un facteur primordial d'unité entre les  peuples et les cultures et de promotion intégrale de l'homme et de ses  droits ».168

On ne peut certes pas douter que la foi chrétienne fait partie, de façon  radicale et déterminante, des fondements de la culture européenne. Le  christianisme a en effet donné sa forme à l'Europe, y faisant pénétrer certaines  valeurs fondamentales. La modernité européenne elle- même, qui a donné au monde  l'idéal démocratique et les droits humains, puise ses valeurs dans son héritage  chrétien. Plus qu'un espace géographique, cet héritage peut être qualifié de « concept majoritairement culturel et historique, caractérisant une réalité  née comme continent grâce, entre autres, à la force unificatrice du  christianisme ; celui-ci a su fondre entre eux des peuples différents et des  cultures diverses, et il est intimement lié à la culture européenne tout  entière ».169

Cependant, au moment même où l'Europe d'aujourd'hui renforce et élargit son  union économique et politique, elle semble aussi souffrir d'une profonde crise  de valeurs. Bien qu'elle dispose de moyens accrus, elle donne l'impression de  manquer d'élan pour nourrir un projet commun et pour redonner à ses citoyens des  raisons d'espérer.

 

Le nouveau visage de l'Europe

109. Dans le processus de transformation qu'elle vit actuellement, l'Europe  est appelée avant tout à retrouver sa véritable identité. En effet, bien  qu'elle soit parvenue à constituer une réalité fortement diversifiée, elle doit  édifier un nouveau modèle d'unité dans la diversité, une communauté de nations  réconciliées, ouverte aux autres continents et engagée dans le processus actuel  de mondialisation.

Pour donner un nouvel élan à son histoire, elle doit «         reconnaître et  retrouver, dans une fidélité créatrice, les valeurs fondamentales à  l'acquisition desquelles le christianisme a apporté une contribution  déterminante, et qui peuvent se résumer dans l'affirmation de la dignité  transcendante de la personne, de la valeur de la raison, de la liberté, de la  démocratie, de l'état de droit et de la distinction entre politique et religion          ».170

110. L'Union européenne continue à s'élargir. Tous les peuples qui partagent le  même héritage  fondamental ont pour vocation d'en faire partie à plus ou moins longue échéance.  Il faut souhaiter que, en plus d'assurer une mise en œuvre plus affermie des  principes de subsidiarité et de solidarité, une telle expansion se réalise dans  le respect de tous, valorisant les particularités historiques et culturelles,  les identités nationales et la richesse des apports que pourront fournir les  nouveaux membres.171        Dans le processus d'intégration du continent, il est capital de prendre en  compte le fait que l'Union n'aurait pas de consistance si elle était réduite à  ses seules composantes géographiques et économiques, mais qu'elle doit avant  tout consister en une harmonisation des valeurs appelées à s'exprimer dans le  droit et dans la vie.

 

Promouvoir la solidarité et la paix dans le monde

111. Dire « Europe        » doit vouloir dire « ouverture        ». Malgré les expériences  et les signes contraires qui d'ailleurs n'ont pas manqué, c'est son histoire  même qui l'exige : «         L'Europe n'est pas vraiment un territoire clos ou isolé;  elle s'est construite en allant, au-delà des mers, à la rencontre d'autres  peuples, d'autres cultures, d'autres civilisations         ».172        C'est pourquoi l'Europe doit être un continent ouvert et accueillant qui continue à pratiquer, dans l'actuelle mondialisation, des formes de  coopération non seulement économique, mais également sociale et culturelle.

Il y a une exigence à laquelle le continent doit répondre de manière positive  pour que son visage soit véritablement nouveau: « L'Europe ne saurait se replier sur  elle-même. Elle ne peut ni ne doit se désintéresser du reste du monde ; elle doit  au contraire garder pleine conscience que d'autres pays, d'autres continents,  attendent d'elle des initiatives audacieuses, pour offrir aux peuples les plus  pauvres les moyens de leur développement et de leur organisation sociale, et  pour édifier un monde plus juste et plus fraternel        ».173        Pour réaliser une telle mission de manière appropriée, il sera nécessaire  «         de repenser la coopération internationale en termes de nouvelle culture de  solidarité. Considérée comme ferment de paix, la coopération ne peut pas se  réduire à l'aide et à l'assistance, surtout quand on envisage en retour de tirer  profit des ressources mises à disposition. Au contraire, elle doit exprimer un  engagement concret et tangible de solidarité qui vise à faire des pauvres les  acteurs de leur développement et qui permette au plus grand nombre possible de  personnes d'exercer, dans les circonstances économiques et politiques concrètes  dans lesquelles elles vivent, la créativité propre à la personne humaine, d'où  dépend aussi la richesse des nations         ».174

112. De plus, l'Europe doit prendre une part active dans la promotion et dans  la mise en pratique d'une mondialisation «         dans la         » solidarité. Comme  condition de cette dernière, il faut ajouter une sorte de mondialisation «          de la         » solidarité et des valeurs connexes d'équité, de justice et de  liberté, dans la ferme conviction que le marché requiert d'être  «         dûment contrôlé par les forces sociales et par l'État, de manière à garantir  la satisfaction des besoins fondamentaux de toute la société         ».175

L'Europe qui nous est léguée par l'histoire a vu, surtout au siècle dernier,  s'affirmer des idéologies totalitaires et des nationalismes exacerbés qui,  faisant perdre l'espérance aux hommes et aux peuples du continent, ont nourri  des conflits au sein des Nations et entre les Nations elles-mêmes, jusqu'à  l'effroyable tragédie des deux guerres mondiales.176        Les luttes ethniques plus récentes, qui ont à nouveau ensanglanté le  continent européen, ont montré elles aussi à tous que la paix est fragile,  qu'elle a besoin d'un engagement actif de tous et qu'elle ne peut être garantie  qu'en ouvrant de nouvelles perspectives d'échange, de pardon et de  réconciliation entre les personnes, entre les peuples et entre les Nations.

Face à cet état de fait, l'Europe, avec tous ses habitants, doit s'employer  inlassablement à construire la paix à l'intérieur de ses frontières et dans  le monde entier. À ce propos, il convient de rappeler «        d'une part que les  différences nationales doivent être maintenues et cultivées comme le fondement  de la solidarité européenne; et, d'autre part, que l'identité nationale  elle-même ne se réalise que dans l'ouverture aux autres peuples et à travers la  solidarité envers eux        ».177

 

II. La construction européenne

Le rôle des Institutions européennes

113. Si l'on veut dessiner le nouveau visage du continent, c'est, sous de  nombreux aspects déterminants, par leur rôle que les Institutions  internationales qui sont principalement liées au territoire européen, et qui y agissent, ont contribué à marquer le cours historique des événements  sans s'engager dans des opérations à caractère militaire. À ce sujet, je  voudrais mentionner avant tout l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération  en Europe, qui travaille au maintien de la paix et à la stabilité, y compris par  la protection et la promotion des droits humains et des libertés fondamentales,  comme aussi à la coopération économique et environnementale.

Il y a aussi le Conseil de l'Europe, dont font partie les États qui ont signé la  Convention européenne pour la sauvegarde des droits humains fondamentaux de 1950  et la Charte sociale de 1961. La Cour européenne des droits de l'homme lui est  rattachée. Ces deux institutions visent, à travers la coopération politique,  sociale, juridique et culturelle, comme aussi à travers la promotion des droits  humains et de la démocratie, à la réalisation de l'Europe de la liberté et de la  solidarité. Enfin, l'Union européenne, avec son Parlement, avec le Conseil des  Ministres et avec la Commission, propose un modèle d'intégration qui se  perfectionne progressivement, dans la perspective d'adopter un jour une charte  fondamentale commune. Cet organisme a pour but de réaliser une plus grande unité  politique, économique et monétaire entre les États membres, aussi bien les  membres actuels que ceux qui en  feront partie à l'avenir. Dans leur diversité et à partir de l'identité propre à  chacune d'elles, les Institutions mentionnées ci-dessus ont pour but de  promouvoir l'unité du continent, et plus profondément sont au service de  l'homme.178

114. Aux Institutions européennes elles-mêmes et aux divers États d'Europe, je  demande avec les Pères synodaux179        de reconnaître qu'un bon ordonnancement de la société doit s'enraciner  dans d'authentiques valeurs éthiques et civiques, partagées le plus possible  par les citoyens, en notant que de telles valeurs constituent avant tout le  patrimoine des divers corps sociaux. Il est important que les Institutions et  les États reconnaissent que, parmi ces corps sociaux, il y a aussi les Églises  et Communautés ecclésiales, ainsi que les autres organisations religieuses. À  plus forte raison, quand elles existent déjà avant la fondation des nations  européennes, elles ne sont pas réductibles à de simples entités privées, mais  elles agissent avec un poids institutionnel spécifique, qui mérite d'être  sérieusement pris en considération. Dans le déroulement de leurs activités, les  différentes Institutions étatiques ou européennes doivent agir en sachant que  leurs systèmes juridiques ne seront pleinement respectueux de la démocratie que  s'ils prévoient des formes de «         saine collaboration         » 180        avec les Églises et les Organisations religieuses.

À la lumière de ce qui vient d'être souligné, je voudrais m'adresser encore une  fois aux rédacteurs du futur traité constitutionnel de l'Europe, pour que, dans ce dernier,  figure une référence au patrimoine religieux et spécialement chrétien de  l'Europe. Dans le plein respect de la laïcité des Institutions, je souhaite  par-dessus tout que soient reconnus trois aspects complémentaires: le droit des  Églises et des communautés religieuses de s'organiser librement, en conformité  avec leurs propres statuts et leurs propres convictions; le respect de  l'identité spécifique des Confessions religieuses et le fait de prévoir un  dialogue structuré entre l'Union européenne et ces mêmes Confessions ; le respect  du statut juridique dont les Églises et les institutions religieuses jouissent  déjà en vertu des législations des États membres de l'Union.181

115. Les Institutions européennes ont pour but déclaré la défense des droits de  la personne humaine. Par cet engagement, elles contribuent à construire l'Europe  des valeurs et du droit. Les Pères synodaux ont fait appel aux responsables  européens, leur disant : «         Élevez la voix quand sont violés les droits  humains des individus, des minorités et des peuples, à commencer par le  droit à la liberté religieuse ; réservez la plus grande attention à tout ce qui  regarde la vie humaine de sa conception jusqu'à sa mort naturelle, et la famille fondée sur le mariage : telles sont les bases sur  lesquelles repose la maison commune européenne; [...] affrontez, en toute  justice et équité, et avec un grand sens de la solidarité, le phénomène croissant des migrations,  faisant en sorte  qu'elles soient une nouvelle ressource pour l'avenir européen ; faites tous vos  efforts pour qu'aux jeunes soit garanti un avenir vraiment humain, par le travail, la culture, l'éducation aux valeurs morales et  spirituelles         ».182

 

L'Église pour la nouvelle Europe

116. L'Europe a besoin d'une dimension religieuse. Pour être «        nouvelle        », à la manière de ce qui est dit de la « cité nouvelle        » de l'Apocalypse (cf.  21, 2), elle doit se laisser rejoindre par l'action de Dieu. L'espérance de  construire un monde plus juste et plus digne de l'homme ne peut en effet faire  abstraction de la prise de conscience que les efforts humains ne conduiraient à  rien s'ils n'étaient pas accompagnés par le soutien divin, car, « si le  Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain » (Ps 127 [126], 1). Pour que l'Europe puisse être édifiée sur des bases solides, il  est nécessaire de s'appuyer sur les valeurs authentiques, qui ont leur fondement  dans la loi morale universelle, inscrite dans le cœur de tout homme. «        Non  seulement les chrétiens peuvent s'unir à tous les hommes de bonne volonté pour  travailler à la construction de ce grand projet, mais plus encore ils sont  invités à en être en quelque sorte l'âme, en montrant le véritable sens de  l'organisation de la cité terrestre ».183

Une et universelle, tout en étant présente dans la multiplicité des Églises  particulières, l'Église catholique peut offrir une contribution unique à  l'édification d'une Europe ouverte au  monde. De l'Église en effet se dégage un modèle d'unité essentielle dans la  diversité des expressions culturelles, la conscience d'appartenir à une  communauté universelle qui s'enracine dans les communautés locales mais ne  s'épuise pas en elles, le sens de ce qui unit au-delà de ce qui distingue.184 

117. Dans ses relations avec les pouvoirs publics, l'Église ne demande pas un  retour à des formes d'État confessionnel. Mais en même temps, elle déplore tout  type de laïcisme idéologique ou de séparation hostile entre les institutions  civiles et les confessions religieuses.

Pour sa part, dans la logique d'une saine collaboration entre communauté  ecclésiale et société politique, l'Église catholique est convaincue de pouvoir  apporter une contribution spécifique à la perspective de l'unification,  offrant aux institutions européennes, en continuité avec sa tradition et en  harmonie avec les directives de sa doctrine sociale, la présence de communautés  de croyants qui cherchent à réaliser l'humanisation de la société à partir de  l'Évangile vécu sous le signe de l'espérance. Dans cette optique, il est  nécessaire que des chrétiens, convenablement formés et compétents, soient présents dans les diverses instances et Institutions européennes,  pour concourir, dans le respect des justes dynamismes démocratiques et à travers  une confrontation des propositions, à définir une convivialité européenne  toujours plus respectueuse de tout homme et de toute femme, et donc conforme au  bien commun.

118. L'Europe qui est en train de se construire comme « union » pousse aussi les chrétiens vers l'unité pour qu'ils soient de vrais témoins d'espérance.  Dans ce cadre, il faut poursuivre et développer cet échange de dons, qui  a revêtu ces dernières années des expressions significatives. Réalisé entre  communautés ayant des histoires et des traditions diverses, il incite à nouer  des liens plus durables entre les Églises des divers pays et il conduit à leur  enrichissement mutuel, à travers rencontres, confrontations et aides  réciproques. Il faut en particulier mettre en valeur la contribution de la  tradition culturelle et spirituelle offerte par les Églises catholiques  orientales.185

Un rôle important pour la croissance de cette unité peut être joué par les organismes continentaux de communion ecclésiale, qui attendent d'être  ultérieurement encouragés.186        Parmi ceux-ci, il convient d'attribuer un rôle particulier au Conseil  des Conférences épiscopales d'Europe dont la mission est, au niveau de tout  le continent, d'«         assurer la promotion d'une communion toujours plus intense  entre les diocèses et les Conférences épiscopales nationales, l'accroissement de  la collaboration œcuménique entre les chrétiens, l'élimination des obstacles  qui menacent l'avenir de la paix et le progrès des peuples, le renforcement de  la collégialité affective et effective et de la “communio” hiérarchique          ».187        De même, il faut reconnaître le service de la Commission des Épiscopats  de la Communauté européenne qui, suivant le processus de consolidation et  d'élargissement  de l'Union européenne, favorise l'information mutuelle et coordonne les  initiatives pastorales des Églises d'Europe concernées.

119. Le renforcement de l'Union au sein du continent européen incite les  chrétiens à coopérer au processus d'intégration et de réconciliation à travers  un dialogue théologique, spirituel, éthique et social.188        En effet, «         dans l'Europe en marche vers l'unité politique, pouvons-nous  admettre que ce soit précisément l'Église du Christ qui soit un facteur de  désunion et de discorde ? Ne serait-ce pas là un des plus grands scandales de  notre temps ?         ».189

 

À partir de l'Évangile, un nouvel élan pour l'Europe

120. L'Europe a besoin d'un saut qualitatif dans la prise de conscience de  son héritage spirituel. Un tel élan ne peut lui venir que d'une écoute  renouvelée de l'Évangile du Christ. Il appartient à tous les chrétiens de  s'employer à satisfaire cette faim et cette soif de vie.

C'est pourquoi «         l'Église éprouve le devoir de renouveler avec vigueur le  message d'espérance qui lui a été confié par Dieu         » et elle répète à l'Europe :  « “Le Seigneur ton Dieu est en toi, c'est lui, le héros qui apporte le salut”  (So 3, 17). Son invitation à l'espérance ne se fonde pas sur une  idéologie utopiste. [...] C'est, au contraire, le message éternel du salut  proclamé par le Christ (cf. Mc 1, 15). Avec l'autorité qui lui vient de  son Seigneur, l'Église répète à l'Europe d'aujourd'hui :

Europe du troisième millénaire, “que tes mains ne défaillent pas ! ” (So 3, 16) ; ne cède pas au découragement, ne te résigne pas à des modes de  penser et de vivre qui n'ont pas d'avenir, car ils ne sont pas fondés sur la  ferme certitude de la Parole de Dieu !         ».190

Reprenant cette invitation à l'espérance, je te le répète encore aujourd'hui, Europe qui es au début du troisième millénaire : « Retrouve-toi toi-  même. Sois toi-même. Découvre tes origines. Avive tes racines ».191        Au cours des siècles, tu as reçu le trésor de la foi chrétienne. Il fonde  ta vie sociale sur les principes tirés de l'Évangile et on en voit les traces  dans l'art, la littérature, la pensée et la culture de tes nations. Mais cet  héritage n'appartient pas seulement au passé ; c'est un projet pour l'avenir, à  transmettre aux générations futures, car il est la matrice de la vie des  personnes et des peuples qui ont forgé ensemble le continent européen.

121. Ne crains pas ! L'Évangile n'est pas contre toi, il est en ta faveur.  Cela est confirmé par la constatation que l'inspiration chrétienne peut  transformer l'ensemble des composantes politiques, culturelles et économiques en  une convivialité où tous les Européens se sentent chez eux et forment une  famille de nations dont d'autres régions du monde peuvent s'inspirer de manière  fructueuse.

Aie confiance ! Dans l'Évangile, qui est Jésus, tu trouveras l'espérance forte et  durable à laquelle tu aspires. C'est une espérance fondée sur la victoire du Christ sur le péché et sur la  mort. Cette victoire,  il a voulu qu'elle soit tienne, pour ton salut et pour ta joie. 

Sois-en sûre ! L'Évangile de l'espérance ne déçoit pas. Dans les vicissitudes de ton histoire d'hier et d'aujourd'hui, c'est une  lumière qui éclaire et oriente ton chemin ; c'est une force qui te soutient dans  l'épreuve ; c'est une prophétie d'un monde nouveau; c'est le signe d'un nouveau  départ ; c'est une invitation à tous, croyants ou non, à tracer des chemins  toujours nouveaux qui ouvrent sur l'«         Europe de l'Esprit         », pour en faire une  véritable «         maison commune         » où l'on trouve la joie de vivre.

 

CONCLUSION

Consécration à Marie

«         Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau         » (Ap 12, 1)

La femme, le dragon et l'enfant

122. L'histoire de l'Église s'accompagne de « signes » qui sont sous les yeux  de tous, mais qui demandent à être interprétés. Parmi eux, l'Apocalypse présente  le «        signe grandiose        » apparu dans le ciel, qui parle d'une lutte entre la  femme et le dragon.

La femme ayant le soleil pour manteau, qui est en train d'accoucher dans la  souffrance (cf. Ap 12, 1-2), peut désigner l'Israël des prophètes qui  enfante le Messie, «        celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant  avec un sceptre de fer » (Ap 12, 5 ; cf. Ps 2, 9). Mais elle  représente aussi l'Église, peuple de la nouvelle Alliance, en proie à la  persécution, mais protégée par Dieu. Le dragon est «         le serpent des  origines, celui qu'on nomme Démon ou Satan, celui qui égarait le monde entier         »  (Ap 12, 9). Le combat est inégal : le dragon semble avoir l'avantage, tant est grande son outrecuidance face à la  femme sans défense et souffrante. En réalité, le vainqueur, c'est le fils que  la femme vient de mettre au monde. Dans ce combat, une chose est certaine :  le grand dragon a déjà été vaincu, «        il fut jeté sur la terre, et ses anges  avec lui        » (Ap 12, 9). Ceux qui l'ont vaincu, ce sont le Christ, Dieu  fait homme, par sa mort et sa résurrection, et les martyrs, «         par le sang de  l'Agneau et le témoignage de leur parole         » (Ap 12, 11). Et même si le  dragon persiste dans son opposition, il n'y a rien à craindre, car sa défaite  est déjà consommée.

123. Telle est la certitude qui anime l'Église au long de son chemin, tandis  qu'elle relit son histoire de toujours à partir de la femme et du dragon. La  femme qui met au monde un enfant mâle nous rappelle aussi la Vierge Marie,  surtout au moment où, transpercée par la souffrance au pied de la Croix, elle  engendre de nouveau le Fils, comme vainqueur du prince de ce monde. Elle est  confiée à Jean qui, à son tour, lui est confié (cf. Jn 19, 26-27), et  elle devient ainsi la Mère de l'Église. Grâce au lien qui unit Marie à l'Église,  et l'Église à Marie, le mystère de la femme prend une clarté nouvelle : « En effet, Marie, présente dans l'Église comme Mère du Rédempteur, participe  maternellement au “dur combat contre les puissances des ténèbres” qui se déroule  à travers toute l'histoire des hommes. Et par cette identification ecclésiale  avec la “femme enveloppée de soleil” (Ap 12, 1), on peut dire que  “l'Église, en la  personne de la bienheureuse Vierge, atteint déjà la perfection qui la fait sans  tache ni ride”         ».192

124. L'Église entière regarde donc Marie. Grâce aux multiples  sanctuaires mariaux disséminés dans toutes les nations du continent, la dévotion  à Marie est très vivante et fort répandue parmi les peuples européens.

Église en Europe, continue à contempler Marie, et reconnais qu'elle apporte «         sa présence et son assistance maternelles dans  les problèmes multiples et complexes qui accompagnent aujourd'hui la vie  des personnes, des familles et des nations         » et qu'elle vient au secours «         du  peuple chrétien dans la lutte incessante entre le bien et le mal, afin qu'il “ne  tombe pas” ou, s'il est tombé, qu'il “se relève”         ».193

 

Prière à Marie, Mère de l'espérance

125. Dans cette contemplation, animée par un amour authentique, Marie nous  apparaît comme la figure de l'Église qui, nourrie par l'espérance, reconnaît  l'action salvifique et miséricordieuse de Dieu, à la lumière duquel elle lit son  propre chemin et toute l'histoire. Elle nous aide à interpréter, aujourd'hui  encore, nos itinéraires en référence à son Fils Jésus. Créature nouvelle modelée  par l'Esprit Saint, Marie fait croître en nous la vertu de l'espérance.

À Elle, Mère de l'espérance et de la consolation, nous adressons avec confiance  notre prière: nous lui confions l'avenir de l'Église en Europe et l'avenir  de toutes les femmes et tous les hommes de ce continent : 

Marie, Mère de l'espérance, marche avec nous ! Apprends-nous à proclamer le Dieu vivant; Aide-nous à témoigner de Jésus, l'unique Sauveur; rends-nous serviables envers notre prochain, accueillants envers ceux qui sont dans le besoin, artisans de justice, bâtisseurs passionnés d'un monde plus juste ; intercède pour nous qui œuvrons dans l'histoire, avec la certitude que le dessein du Père s'accomplira.

Aurore d'un monde nouveau, montre-toi la Mère de l'espérance et veille sur nous ! Veille sur l'Église en Europe : qu'elle soit transparente à l'Évangile ; qu'elle soit un authentique lieu de communion ; qu'elle vive sa mission d'annoncer, de célébrer et de servir l'Évangile de l'espérance pour la paix et la joie de tous.

Reine de la paix, protège l'humanité du troisième millénaire ! Veille sur tous les chrétiens : qu'ils avancent dans la confiance sur le chemin de l'unité, comme un ferment pour la concorde sur le continent. Veille sur les jeunes, espérance de l'avenir, qu'ils répondent  généreusement à l'appel de Jésus ; veille sur les responsables des nations: qu'ils s'emploient à édifier une maison commune, dans laquelle soient  respectés la dignité et les droits de chacun.

Marie, donne-nous Jésus ! Fais que nous le suivions et que nous l'aimions ! C'est lui l'espérance de l'Église, de l'Europe et  de l'humanité. C'est lui qui vit avec nous, au milieu de nous, dans son  Église. Avec toi, nous disons « Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22,  20) : Que l'espérance de la gloire déposée par Lui en nos cœurs porte  des fruits de justice et de paix !

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 28 juin 2003, vigile  de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, en la vingt-cinquième année  de mon pontificat.

JEAN-PAUL II


1 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message  final, n. 1 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation  catholique 96 (1999), pp. 957-958.

2 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris, nn. 90-91 : L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl.,  pp. 17-18 ; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 802-803.

3 Jean-Paul II, Bulle Incarnationis mysterium (29 novembre 1998), nn. 3-4 : AAS 91 (1999), pp. 132. 133 ; La Documentation catholique 95 (1998),  pp. 1052. 1053.

4 Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre  1994), n. 38 : AAS 87 (1995), p. 30 ; La Documentation catholique 91  (1994), pp. 1027-1028.

5 Cf. Angélus, n. 2 : Insegnamenti XIX/1 (1996), pp. 1599- 1600 ; La Documentation catholique 93 (1996), p. 673.

6 Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration  finale (13 décembre 1991), n. 2 : Enchiridion Vaticanum 13, n. 619 ; La Documentation catholique 89 (1992), p. 124.

7 Ibid.        n. 3: Ench. Vat., l.c., n. 621 ; La Documentation  catholique, l.c., p. 125.

8 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris, n. 3: L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 3; La Documentation catholique 96 (1999), p. 751.

9 Cf. Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la  Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre  1999), n. 1 : AAS 92 (2000), p. 177 ; La Documentation catholique 96  (1999), pp. 959-960.

10 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message  final, n. 2 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation  catholique 96 (1999), pp. 955-956.

11 Cf. Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la  Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre  1999), n. 4 : AAS 92 (2000), p. 179 ; L'Oss. Rom., éd. hebd. en  langue française, 26 octobre 1999, p. 5.

12 Ibid.

13 Cf. Proposition 1.

14 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum  laboris, n. 2 : L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl. pp. 2-3 ; La  Documentation catholique 96 (1999), p. 763.

15 Cf. ibid., nn. 12-13. 16-19 : L'Oss. Rom., l.c., pp. 4-6; La Documentation catholique, l.c., pp. 768-769 ; Idem, Rapport  avant la discussion, I : L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, pp. 6-7 ; La  Documentation catholique 96 (1999), pp. 935-938 ; Idem, Rapport après la  discussion, II, A : L'Oss. Rom., 11-12 octobre 1999, p. 10.

16 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant  la discussion, I, 1. 2 : L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 6 ; La  Documentation catholique 96 (1999), pp. 935. 936.

17 Cf. Proposition 5a.

18 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,  n. 1 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 955.

19 Cf. Proposition 5a ; Conseil pontifical pour la Culture et Conseil  pontifical pour le Dialogue interreligieux, Jésus le porteur d'eau vive. Une  réflexion chrétienne sur le «         New Age         », Cité du Vatican, 2003 ; La  Documentation catholique 100 (2003), pp. 272-310.

20 Cf. Proposition 5a.

21 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,  n. 6 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 958.

22 Jean-Paul II, Angélus (25 août 1996), n. 2 : Insegnamenti XIX/2  (1996), p. 237 ; cf. Proposition 9.

23 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum  laboris, n. 88 : L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 17 ; La  Documentation catholique 96 (1999), p. 801.

24 Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième  Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n.  4 : AAS 92 (2000), p. 179 ; La Documentation catholique 96 (1999),  p. 960.

25 Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30  décembre 1988), n. 26 : AAS 81 (1989), p. 439 ; La Documentation  catholique 86 (1989), pp. 166-167.

26 Cf. Proposition 21.

27 Ibid.

28 Proposition 9.

29 Ibid.

30 Cf. Proposition 4, 1.

31 Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième  Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n.  2 : AAS 92 (2000), p. 178 ; La Documentation catholique 96 (1999),  p. 960.

32 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,  n. 2 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 955-956.

33 Cf. Proposition 4, 2.

34 Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 47 : AAS 83 (1991), p. 852 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 542.

35 Cf. Proposition 4, 1.

36 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris, n. 30 : L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 8 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 777.

37 Cf. Homélie durant la concélébration de conclusion de la Deuxième Assemblée  spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 3 : AAS 92 (2000), p. 178 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 960 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus (6  août 2000), n. 13 : AAS 92 (2000), p. 754 ; La Documentation catholique 97 (2000), p. 817.

38 Cf. Proposition 5.

39 Cf. Jean-Paul II, Encycl. Dominum et vivificantem (18 mai 1986), n. 7 : AAS 78 (1986), p. 816 ; La Documentation catholique 83 (1986), p. 585 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration Dominus Iesus (6  août 2000), n. 16 : AAS 92 (2000), pp. 756-757; La Documentation  catholique 97 (2000), p. 818.

40 Paul VI, Encycl. Mysterium fidei (3 septembre 1965) : AAS 57  (1965), pp. 762-763 ; La Documentation catholique 62 (1965), col. 1643.  Cf. S. Congrégation des Rites, Instr. Eucharisticum mysterium (25 mai  1967), n. 9: AAS 59 (1967), p. 547 ; La Documentation catholique 64  (1967), col. 1098-1099 ; Catéchisme de l'Église catholique, n. 1374.

41 Concile œcum. de Trente, Décr. De ss. Eucharistia, can. 1 : DS 1651 ; La Foi catholique, n. 745; cf. chap. 3 : DS 1641 ; La Foi  catholique, n. 738.

42 Jean-Paul II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. 15 : L'Oss. Rom., 18 avril 2003, p. 2 ; La Documentation catholique 100  (2003), p. 373.

43 Cf. S. Augustin, Sur l'Évangile de Jean, Traité VI, chap. I, n. 7 : PL 35, 1428 ; S. Jean Chrysostome, Sur la trahison de Judas, 1, 6 : PG 49, 380C.

44 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. sur la sainte Liturgie Sacrosanctum Concilium,  n. 7 ; Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 50 ; Paul VI, Encycl. Mysterium fidei, nn. 35-38 (3 septembre 1965) : AAS 57 (1965), pp. 762-763 ; La  Documentation catholique 62 (1965), col. 1641-1643 ; S. Congrégation des Rites, Instr. Eucharisticum  mysterium (25 mai 1967), n. 9 : AAS 59 (1967), p. 547 ; La  Documentation catholique 64 (1967), col. 1098-1099 ; Catéchisme de  l'Église catholique, nn. 1373-1374.

45 Jean-Paul II, Motu proprio Spes ædificandi (1er octobre 1999),  n. 1 : AAS 92 (2000), p. 220 ; La Documentation catholique 96  (1999), p. 917.

46 Cf Jean-Paul II, Discours au siège du Parlement polonais, à Varsovie (11  juin 1999), n. 6 : Insegnamenti, XXII/1, p. 1276 ; La Documentation  catholique 96 (1999), p. 673.

47 Cf. Jean-Paul II, Discours à la cérémonie de congé à l'aéroport de Cracovie (10 juin 1997), n. 4 : Insegnamenti, XX/1, pp. 1496-1497 ; L'Oss.  Rom. éd. hebd. en langue française, 15 juillet 1997, p. 6.

48 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,  n. 4 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 957.

49 Cf. Proposition 15, 1 ; Catéchisme de l'Église catholique, n. 773 ; Jean-Paul II, Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n. 27 : AAS 80 (1988), p. 1718 ; La Documentation catholique 85 (1988), pp.  1084-1085.

50 Cf. Proposition 15, 1.

51 Cf. Proposition 21.

52 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message  final, n. 4 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation  catholique 96 (1999), p. 957.

53 Proposition 9.

54 Ibid.

55 Ibid.

56 Cf. Proposition 22.

57 Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars  1992), n. 15 : AAS 84 (1992), pp. 679- 680 ; La Documentation catholique 89 (1992), p. 459.

58 Cf. ibid., n. 29: AAS, l.c., pp. 703-705 ; La  Documentation catholique, l.c., pp. 467-468 ; Proposition 18.

59 Cf. Code des Canons des Églises orientales, can. 373.

60 Cf. Code de Droit canonique, can. 277, 1.

61 Cf. Paul VI, Encycl. Sacerdotalis cælibatus (24 juin 1967), n. 40 : AAS 59 (1967), p. 673 ; La Documentation catholique 64 (1967), col. 1262.

62 Cf. Proposition 18.

63 Cf. ibid.

64 Cf Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message  final, n. 4 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 957. 

65 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. 29.

66 Cf. Proposition 19.

67 Cf. ibid.

68 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant  la discussion, III : L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9 ; La  Documentation catholique 96 (1999), p. 947.

69 Cf. Proposition 17.

70 Cf. ibid.

71 Jean-Paul II, Discours aux participants au Congrès sur les vocations en  Europe (9 mai 1997), nn. 1-3 : Insegnamenti XX/1, pp. 917-918 ; La  Documentation catholique 94 (1997), pp. 605-606.

72 Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30  décembre 1988), n. 7 : AAS 81 (1989), p. 404 ; La Documentation  catholique 86 (1989), p. 156.

73 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum  laboris, n. 82 : L'Oss. Rom., 6 août 1999, p. 16 ; La Documentation  catholique 96 (1999), p. 799.

74 Cf. Proposition 29.

75 Cf.  Proposition        30.

76 Cf. ibid.

77 Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi        (8 décembre 1975), n. 14 : AAS 68 (1976), p. 13 ; La Documentation  catholique 73 (1976), p. 3.

78 Cf. Proposition 3b.

79 Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 37 : AAS 83 (1991), pp. 282-286 ; La Documentation catholique 88 (1991),  pp. 166-167.

80 Cf. Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport  avant la discussion, I, 2 : L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 7 ; La  Documentation catholique 96 (1999), pp. 936-938.

81 Cf. Proposition 3a.

82 Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant  la discussion, III, 1 : L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 8 ; La  Documentation catholique 96 (1999), p. 944.

83 Cf. Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris, n. 53 : L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p.  12 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 788.

84 Cf. Proposition 4,1.

85 Cf. Proposition 26,1.

86 Synode des Évêques - Deuxième assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport avant  la discussion, III,1 : L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9 ; La  Documentation catholique 96 (1999), p. 944.

87 Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 41 : AAS 68 (1976), p. 31 ; La Documentation catholique 73 (1976), p. 8.

88 Proposition        8, 1.

89 Cf. Proposition 8, 2.

90 Cf. Propositions 8, 1a-b ; 6.

91 Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendæ (16 octobre 1979), n.  21 : AAS 71 (1979), pp. 1294-1295 ; La Documentation catholique 76  (1979), p. 906.

92 Cf. Proposition 24.

93 Cf. Proposition 8, 1c.

94 Cf. Proposition 24.

95 Cf. Proposition 22.

96 Cf. Jean-Paul II, Discours aux Présidents des Conférences épiscopales  européennes (16 avril 1993), n. 1 : AAS 86 (1994), p. 227 ; La  Documentation catholique 90 (1993), p. 501.

97 Jean-Paul II, Discours pendant la célébration œcuménique de la Parole à la  cathédrale de Paderborn (22 juin 1996), n. 5 : Insegnamenti XIX/I, p.  1571 ; La Documentation catholique 93 (1996), p. 662.

98 Paul VI, Lettre du 13 janvier 1970 : Tomos agapis, Rome-Istanbul (1971),  pp. 610-611 ; cf. Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint (25 mai 1995), n. 99 : AAS 87 (1995), p. 980 ; La Documentation catholique 92 (1995), p.  158.

99 Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 55 : AAS 83 (1991), p. 302 ; La Documentation catholique 88 (1991), p 173.

100 Ibid., n. 36 : AAS, l.c., p. 281 ; La Documentation catholique, l.c., p. 166.

101 Cf. Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), n. 8 : Ench. Vat., 13, nn.  653-655 ; La Documentation catholique 89 (1992), p. 129 ; Deuxième  Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris, n. 62 : L'Oss.  Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 13; La Documentation catholique 96  (1999), pp. 791-792 ; Proposition 10.

102 Proposition        10 ; cf. Commission pour les Rapports religieux avec le Judaïsme, Nous  nous souvenons : une réflexion sur la Shoah (16 mars 1998) : Ench. Vat. 17, nn. 520-550 ; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 336-340.

103 Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration  finale (13 décembre 1991), n. 9 : Ench. Vat., 13, n. 656 ; La  Documentation catholique 89 (1992), p. 129.

104 Cf. Proposition 11.

105 Cf. ibid.

106 Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (12 janvier 1985), n. 3 : AAS 77 (1985), p. 650 ; La Documentation catholique 83 (1985), p. 219.

107 Conc. œcum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ,  n. 2.

108 Cf. Proposition 23.

109 Cf. Propositions 25 ; 26, 2.

110 Cf. Proposition 26, 3.

111 Cf. Proposition 27.

112 Jean-Paul II, Lettre aux artistes (4 avril 1999), n. 12 : AAS 91(1999), p. 1168 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 12.

113 Cf. Proposition 7b-c.

114 Cf. Jean-Paul II, Discours durant la veillée de prière à Tor Vergata lors des  XV es Journées mondiales de la Jeunesse (19 août 2000), n. 6 : Insegnamenti XXIII/2, p. 212 ; La Documentation catholique 97 (2000),  pp. 776-778.

115 Cf. Conseil pontifical pour les Communications sociales, Éthique dans les  communications sociales, Cité du Vatican, 4 juin 2000 : La Documentation  catholique 97 (2000), pp. 623-633.

116 Proposition        13.

117 Cf. Proposition 12.

118 Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, n. 25.

119 Cf. Proposition 14.

120 Const. Sacrosanctum Concilium, n. 8.

121 Cf. Proposition 14 ; Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour  l'Europe, Rapport avant la discussion, III, 2 : L'Oss. Rom., 3  octobre 1999, p. 9 ; La Documentation catholique 96 (1999), pp. 945-946.

122 Cf. Proposition 15, 2a.

123 Conc. œcum. Vat. II, Décr. sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum Ordinis, n. 5.

124 Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 11.

125 Jean-Paul II, Encycl. Ecclesia de Eucharistia (17 avril 2003), n. 20 : L'Oss. Rom., 18 avril 2003, p. 3 ; La Documentation catholique 100  (2003), p. 374.

126 Cf. Jean-Paul II,  Discours  à l'audience générale (23 octobre 2002), n. 2 : Insegnamenti XXIII/2 (2000), p. 697.

127 Cf. Proposition 16.

128 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Rapport  avant la discussion, III, 2 : L'Oss. Rom., 3 octobre 1999, p. 9 ; La  Documentation catholique 96 (1999), pp. 945-946.

129 Cf. Proposition 16.

130 Cf. Jean-Paul II, Motu proprio Misericordia Dei (7 avril 2002), n. 4 : AAS 94 (2002), pp. 456-457 ; La Documentation catholique 99 (2002),  pp. 453-454.

131 Cf. Proposition 16 ; Jean-Paul II, Lettre aux prêtres pour le Jeudi  saint 2002 (17 mars 2002), n. 4 : AAS 94 (2002), pp. 435-436 ; La  Documentation catholique 99 (2002), p. 304.

132 Cf. Proposition 14c.

133 Cf. ibid.

134 Cf. Const. Sacrosanctum Concilium, n. 100.

135 Cf. Proposition 14c; 20.

136 Cf. Proposition 20.

137Jean-Paul II, Lettre apost. Rosarium Virginis Mariæ (16 octobre 2002), n.  3 : AAS 95 (2003), p. 7 ; La Documentation catholique 99 (2002), p.  952-953.

138 Cf. Proposition 14.

139 Jean-Paul II, Lettre apost. Dies Domini (31 mai 1998), n. 4 : AAS 90 (1998), p. 716 ; La Documentation catholique 95 (1998), p. 659.

140 Jean-Paul II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. 10 : AAS 71 (1979), p. 274 ; La Documentation catholique 76 (1979), p. 306.

141 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum laboris, n. 72, L'Oss. Rom., 6 août 1999, Suppl., p. 15 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 795.

142 Conc. œcum.  Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1.

143 Cf.  Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitæ (25 mars 1995), n. 90 : AAS 87 (1995), p. 503 ; La Documentation catholique 92 (1995), p. 396.

144 Cf. Proposition 33.

145 Proposition        35.

146 Cf. Proposition 36.

147 Cf. Proposition 31.

148 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. sur l'Église dans le monde de ce temps Gaudium et spes, n. 48.

149 Cf. Proposition 31.

150 Jean-Paul II, Discours pour la troisième Rencontre mondiale des Familles à  l'occasion de leur jubilé (14 octobre 2000), n. 6 : Insegnamenti XXIII/2, p. 603 ; La Documentation catholique 97 (2000), p. 973.

151 Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n.  17 : AAS 74 (1982), pp. 99-100 ; La Documentation catholique 79  (1982), p. 6.

152 Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 39 : AAS 83 (1991), p. 842 ; La Documentation catholique 88 (1991), p. 538.

153 Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30  décembre 1988), n. 40 : AAS 81 (1989), p. 469 ; La Documentation  catholique 86 (1989), p. 176.

154 Cf. Jean-Paul II, Discours à la première Rencontre mondiale des Familles (8 octobre 1994), n. 7 : AAS 87 (1995), p. 587 ; La Documentation  catholique 91 (1994), p. 969.

155 Cf. Proposition 32.

156 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 51.

157 Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitæ (25 mars 1995), n. 63 : AAS 87 (1995), p. 473 ; La Documentation catholique 92 (1995), p. 383.

158 Ibid., n. 95: AAS, l.c., p. 509; La Documentation catholique, l.c., p. 398.

159 Jean-Paul II, Discours au nouvel Ambassadeur de Norvège près le Saint-Siège (25 mars 1995) : Insegnamenti XVIII/1, p. 857.

160 Proposition        32.

161 Const. past. Gaudium et spes, n. 57.

162 Cf. Proposition 28 ; Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour  l'Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), n. 10 : Ench. Vat. 13, nn. 659-669 ; La Documentation catholique, 89 (1992), p. 130.

163 Cf. Proposition 23.

164 Cf. Proposition 28.

165 Proposition 34.

166 Cf. Congrégation pour les Évêques, Instr. Nemo est (22 août 1969), n. 16 : AAS 61 (1969), pp. 621-622 ; La Documentation catholique 67 (1970), p.  62 ; CIC, can. 294 et 518 ; CCEO, can. 280 § 1.

167 Cf. Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message  final, n. 5 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 6 ; La Documentation  catholique 96 (1999), pp. 957-958.

168 Jean-Paul II, Homélie durant la concélébration de conclusion de la deuxième  Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (23 octobre 1999), n. 5 : AAS 92 (2000), p. 179 ; La Documentation  catholique 96 (1999), p. 960.

169 Proposition 39.

170 Ibid.

171 Cf. ibid. ; cf. aussi Proposition 28.

172 Jean-Paul II, Lettre au Cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil des  Conférences épiscopales d'Europe (16 octobre 2000), n. 7 : Insegnamenti XXIII/2, p. 628 ; La Documentation catholique 97 (2000), p. 960.

173 Ibid.

174 Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale de la Paix 2000, n. 17 : AAS 92 (2000), pp. 367-368 ; La Documentation catholique 97 (2000),  pp. 5-6.

175 Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus (1er mai 1991), n. 35 : AAS 83 (1991), p. 837 ; La Documentation catholique 88 (1991), p.  535.

176 Cf. Proposition 39.

177 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Instrumentum  laboris, n. 85 : L'Oss. Rom., 6 août 1999 - Suppl., p. 17 ; La  Documentation catholique 96 (1999), p. 800 ; cf. Proposition 39.

178 Cf. Jean-Paul II, Allocution à la Présidence du Parlement européen (5  avril 1979) : Insegnamenti, II/I, pp. 796-799 ; La Documentation  catholique 76 (1979), pp. 432-433.

179 Cf. Proposition 37.

180 Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 76. 

181 Cf. Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (13 janvier 2003), n. 5 : L'Oss. Rom., 13-14 janvier 2003, p. 6 : La Documentation catholique 100 (2003), p. 120.

182 Synode des Évêques - Deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, Message final,  n. 6 : L'Oss. Rom., 23 octobre 1999, p. 5 ; La Documentation catholique 96 (1999), p. 958.

183 Jean-Paul II, Lettre au Cardinal Miloslav Vlk, Président du Conseil des  Conférences épiscopales d'Europe (16 octobre 2000), n. 4 : Insegnamenti XXIII/2, p. 626 ; La Documentation catholique 97 (2000), p. 960.

184 Cf. Synode des Évêques - Première Assemblée spéciale pour l'Europe, Déclaration finale (13 décembre 1991), n. 10 : Ench. Vat. 13, n. 669 ; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 130-131.

185 Cf. Proposition 22.

186 Cf. ibid.

187 Jean-Paul II, Discours au Conseil des Conférences épiscopales d'Europe (16 avril 1993), n. 5 : AAS 86 (1994), p. 229 ; La Documentation  catholique 90 (1993), p. 502.

188 Cf. Proposition 39d.

189 Jean-Paul II, Homélie durant la célébration œcuménique à l'occasion de  l'Assemblée spéciale pour l'Europe du Synode des Évêques (7 décembre 1991),  n. 6 : Insegnamenti XIV/2, p. 1330. L'Oss. Rom., éd. hebdom. en  langue française, 17 décembre 1991, p. 14.

190 Jean-Paul II, Homélie pour l'ouverture de la deuxième Assemblée spéciale pour  l'Europe du Synode des Évêques (1er octobre 1999), n. 3 : AAS 92 (2000), pp. 174-175 ; La Documentation catholique 96 (1999), p.  932.

191 Discours à différentes Autorités européennes (9 novembre 1982), n. 4 : AAS 75 (1983), p. 330 ; La Documentation catholique 79 (1982), p. 1129.

192 Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris Mater (25 mars 1987), n. 47 : AAS 79 (1987), p. 426 ; La Documentation catholique 84 (1987), p. 404.

193 Ibid., n. 52 : AAS, l.c., p. 432 ; La Documentation catholique, l.c., p. 406 ; cf. Proposition 40.



16/11/2013
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