Redemptor Hominis

La Chute (IV)

LE LIVRE DE LA GENÈSE

La Chute : 4e partie (fin du chapitre 3)

« Il s’agit d’un très long article, car je ne pouvais poursuivre le morcellement des versets suivants pour la cohérence du commentaire.)

 

« Et Yahweh Dieu dit: " Qui t'a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger? " L'homme répondit: " La femme que vous avez mise avec moi m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé. " Yahweh Dieu dit à la femme : " Pourquoi as-tu fait cela? " La femme répondit: " Le serpent m'a trompée, et j'en ai mangé. "Yahweh Dieu dit au serpent : " Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux domestiques et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon. " A la femme il dit : " je multiplierai tes souffrances, et spécialement celles de ta grossesse; tu enfanteras des fils dans la douleur ; ton désir se portera vers ton mari, et il dominera sur toi. " Il dit à l'homme : " Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : Tu n'en mangeras pas, le sol est maudit à cause de toi. C'est par un travail pénible que tu en tireras, ta nourriture, tous les jours de ta vie ; il te produira des épines et des chardons, et tu mangeras l'herbe des champs. C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes à la terre, parce que c'est d'elle que tu as été pris; car tu es poussière et tu retourneras en poussière." Adam donna à sa femme le nom d'Eve, parce qu'elle a été la mère de tous les vivants. Yahweh Dieu fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit. Et Yahweh Dieu dit: " Voici que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant, qu'il n'avance pas sa main, qu'il ne prenne pas aussi de l'arbre de vie, pour en marger et vivre éternellement. " Et Yahweh Dieu le fit sortir du jardin d'Éden, pour qu'il cultivât la terre d'où il avait été pris. Et il chassa l'homme, et il mit à l'orient du jardin d'Éden les Chérubins et la flamme de l'épée tournoyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie. » (Gen.3,11-24)

 

 

« Qui t’a appris que tu étais nu ? (V.11-a)


Dieu ne met pas l’homme en accusation, ce n’est pas un révolutionnaire. IL n’accuse pas ! IL connaît la faute et l’intention qui la sous-tend pourtant, IL ne demande pas à l’homme ce qu’il a fait, mais comment il a appris qu’il était nu ? Dieu veut un aveu. IL le veut par la prise de conscience de leur responsabilité, car il L’ont rejeté en toute connaissance et liberté.

Cela peut paraître anecdotique, mais tout dans le récit de la chute est important.

L’homme et la femme en recevant l’animus, reçoivent l’intelligence donc la liberté. Ce qu’ils viennent de faire est le fruit de l’usage de cette liberté et Dieu ne leur retire pas, ne leur réduit pas ; tout au contraire, Il la respecte et la confirme comme l’une des qualités majeurs de l’homme et de la femme. En effet, en cherchant à les responsabiliser, IL reconnaît leur liberté légitime. IL veut mettre l’homme devant ses responsabilités et pour cela, mais aussi pour son salut, IL sollicite l’aveu… IL le suscite, mais ne l’exige pas. C’est une situation dramatique que nous qualifierons aujourd’hui d’hallucinante : la société exerce des violences pour obtenir l’aveu alors que le Créateur les mendie !

 

La nudité de l’homme et de la femme est une nudité de culpabilité. Ils se sont dépouillés de l’état de grâce dans lequel ils vivaient, ils en ressentent le manque. Recouvrir leur nudité est d’abord couvrir ce sentiment de manque, couvrir la chute, couvrir la honte[1].

 

On observe qu’Il ne le nomme pas par son nom, Adam. Il y a deux raisons possibles :

1: pourrait-il s’agir d’une interpellation au genre humain ? Non, car la suite le dément.

2e : c’est pour marquer la rupture d’amitié entre Adam et Dieu ce qui semble évident. On retrouve cette donnée dans le renouveau de la théologie de l’Alliance redécouverte par les Pères conciliaires, malheureusement non-abouti dans la pastorale à cause de l’idéologie évolutionniste.

 

Dieu semble reprocher à l’homme de ne pas être intervenu pour empêcher que sa compagne ne tombe sous la ruse de Lucifer ; bien au contraire, il y a trouvé de la complaisance. Mais IL se situe déjà dans la perspective de la Rédemption comme le confirme le proto-évangile ; son Fils Unique deviendra le Nouvel Adam.

 

Ce dernier dialogue que Dieu a avec l’homme et la femme fait entrevoir la pédagogie divine dans la projection de la Rédemption. Cette pédagogie va se développer durant tout l’Ancien Testament en vue de l’Incarnation, du Salut universel.

 

 

[Certains s’appuient sur cette pédagogie pour justifier la proposition pastorale de la loi dite de : « gradualité morale[2] », c’est une manipulation conceptuelle très déshonnête qui sent l’idéologie.

Dans l’Evangile, la proposition de la vie chrétienne se présente comme un idéal radical : « Qui m’aime me suive, prenne sa croix. » ; « vous aussi me quitterez-vous ? » ; « que votre oui soit oui, que votre non  soit non » ; « donne tout aux pauvres et suis moi » ; « Je ne suis pas venu abroger la loi, mais l’accomplir ». Cette loi de gradualité morale est un non-sens pastoral qui favorise le relativisme moral et peccamineux. C’est une proposition sortit tout droit du cul de basse-fosse de Mai 68. Elle altère la grandeur de l’homme et la perception de la vérité qui est en tout homme. Elle déconstruit une anthropologie qui est sensée aborder les relations sociales à la fine pointe de l’esprit, elle favorise une inversion dont les répercutions sont à ajouter en négatif avec les effets permissifs des lois renversant la loi morale naturelle et le droit moral naturel. Elle décrédibilise la pédagogie sacramentelle qui est basée sur le rappel de la radicalité de l’idéal chrétien. C’est une porte infernale.]

 

 

« Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger? » (V. 11 b)

 

Dieu n’ignore pas que l’intention de l’homme et de la femme est de le rejeter, mais pourtant au-delà de celle-ci, IL ne remet pas en cause son projet initial. En effet, comme pour le peuple élu au mont Sinaï, IL pouvait les détruire et recréer un couple. IL ne l’a pas fait. Pourquoi ? Parce que ses voies ne sont pas les nôtres et que son regard est celui de l’amour-miséricordieux. L’homme est la femme n’ont pas perdu leur capacité de discernement, l’usage de leur liberté de conscience et du libre-arbitre, certes sont amoindris, mais pas aliénés. Ils sont capables de se sanctifier pour réaliser le projet qui est de devenir semblable à Dieu, la vision béatifique.

 

Dieu cherche, comme on l’a montré plus haut, à obtenir leur aveu ; peut-être que s’Il l’avait obtenu le temps d’attente de la Rédemption eut été plus court, (c’est une supposition).

 

 

« L'homme répondit: " La femme que vous avez mise avec moi m'a donné du fruit de l'arbre, et j'en ai mangé. » (V.12)


Ce verset donne la mesure de l’effondrement métaphysique de l’homme et de la femme maintenant pécheurs.

L’homme n’a toujours pas fait l’aveu et refuse d’assumer sa part de responsabilité qu’il rejette sur la femme et la met en accusation.

Mais pourquoi se sentirait-il responsable, n’est-il pas toujours dans la logique de sa révolte ?

En désignant la femme, il ne fait qu’exposer le comment de son acte, pas le pourquoi de cette transgression : « Ce n’est pas moi, c’est l’autre ». Nous retrouverons ce mode accusateur dans le crime de Caïn sur Abel, chez Martin Luther qui passera son temps à justifier ses propres faiblesses en accusant l’Eglise et aussi dans toutes les révolutions surtout celle de 1789. Ce mode effroyable est propre à Lucifer, il lui est devenu sa seconde identité : « l’accusateur de vos frères est vaincu… »

Dans l’attitude de l’homme sourde la mise en accusation de Dieu : « C’est la femme que tu m’as donnée, que tu as placée à côté de moi. » Elle n’est plus la « chair de ma chair ». C’est le mensonge et l’accusation de l’autre qui forment le socle dramatique de la division. La femme pour l’homme n’est plus la chair de sa chair.

 

[Le mensonge qui est le premier fruit de l’orgueil a son fils le diviseur (accusateur). Ces péchés majeurs, mortels sont les principaux facteurs qui effondrent toutes les relations et surtout celles établies dans le couple. Mais cet état de catastrophe spirituelle va plus loin, il touche la personne, car la blessure du péché originel effondre les structures spirituelles, morales et psychologiques de chaque individu. C’est aussi la raison pour laquelle les schismatiques sont excommuniés ipso facto.

Le théologien Occam[3] est le fondateur du mode accusateur moderne, sa proposition continue de troubler les consciences. Elle est le socle fondateur de la Réforme, mais aussi de la pensée de Descartes, de Kant et l’humus de toutes les idéologies. Il faut souligner que l’influence de Descartes contribue, encore aujourd’hui et de très grave façon, a diviser l’homme en lui-même et la société.

Le baptême et tous les sacrements contribuent à l’établissement d’une vie spirituelle qui permet d’établir la vie d’union au Christ ; seul le Christ, c’est-à-dire l’adhésion à la Vérité par la foi et la raison peuvent rétablir l’unité de la personne et de la société.(Cf. st. Tomas d’Aquin et très certainement Benoît XVI)]

 

 

« Yahweh Dieu dit à la femme : " Pourquoi as-tu fait cela? " La femme répondit: " Le serpent m'a trompée, et j'en ai mangé. » (V.13)


Dieu semble renoncer à obtenir l’aveu, IL devient le Juge : « Qu’as-tu fait là ? » Cette interrogation résonne encore de l’attente de l’aveu, mais laisse percevoir son respect de la liberté de l’homme. IL accepte cette pauvreté.

La femme ne fera pas d’aveu et rejette la responsabilité de son acte sur le Serpent. Aucun des deux n’assume son acte et ne passe à l’aveu.

 

« L’homme et la femme mettent sourdement Dieu en accusation : Tu es responsable de cette situation, de notre révolte puisque tu as laissé Lucifer nous tenter. C’est la négation de leur propre liberté – quelque part, ils n’en veulent plus de cette liberté, – on retrouve cette faiblesse psychologique dans la religion musulmane ainsi que dans la religion juive où la responsabilité collective de la faute est souvent justifiée par ce qu’à fait ou aurait pu faire le non-juif, le goy. En résumé, le seul accusé, le seul responsable, c’est Dieu. 

C’est toute la question de la liberté qui se trouve posée : pourquoi nous as-Tu fait libres ? Si nous te rejetons, c’est que nous en avons la liberté ; si Tu ne voulais pas que nous en usions, il ne fallait pas nous la donner. L’homme devra se débattre avec cette interrogation jusqu’à la fin des temps.]

 

 

Dieu sait que maintenant tout est consommé, Il n’obtiendra pas l’aveu. Il prend acte de cette situation et énonce les conséquences.

 

« Yahweh Dieu dit au serpent : " Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animaux domestiques et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras la poussière tous les jours de ta vie. » (V.14)


Le Serpent a été le véhicule, le moyen par lequel Lucifer a trompé l’homme et la femme, et pour cela il est maudit.

 

[Lucifer ne pouvait pas prendre l’apparence de l’homme, car l’homme ne lui était pas encore soumis, Lucifer n’avait pas encore imposé son joug. Il ne pouvait pas non plus prendre l’apparence de l’ange ou apparaître dans son état précédent, il eût été reconnu immédiatement. Il choisit le serpent, sans doute pour favoriser la curiosité de la femme : « un serpent qui parle ».

Mais ces faits illustrent la dépendance de cet ange déchu quant à l’homme ; il ne peut plus atteindre Dieu, son Créateur détesté, que par l’intermédiaire de l’homme, une créature qu’il déteste, car sa dignité le dépasse lui, l’archange de lumière. Et n’est-ce pas cette créature qui sera son juge aux temps fixés ?

On comprend bien le dessein de Lucifer, atteindre Dieu par l’homme. Il est le plus puissant des impuissants.

On peut croire que le serpent avait des pattes et, que la parole de Dieu est efficiente à l’instant où elle est dite ; ce verset est  éclairé par un autre :

 

« Le lendemain, après qu'ils furent sortis de Béthanie, il eut faim. Voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il s'en approcha (pour voir) s'il y trouverait quelque chose; et s'en étant approché, il n'y trouva que des feuilles, car ce n'était pas le temps des figues. Prenant la parole, il lui dit : " Que jamais plus personne ne mange du fruit de toi ! " Et ses disciples entendaient. Quand le soir fut venu, il sortit de la ville. Or, en repassant de grand matin, ils virent le figuier desséché depuis les racines. Et Pierre, se ressouvenant, lui dit : " Rabbi, vois ! Le figuier que vous avez maudit est desséché. "  Jésus leur répondit : " Ayez foi en Dieu. Je vous le dis, en vérité, celui qui dira à cette montagne : " Ote-toi de là, et jette-toi dans la mer ! " s'il n'hésite pas en son cœur, mais croit que ce qu'il dit arrive, ce sera (fait) pour lui. C'est pourquoi, je vous le dis, tout ce que vous demandez dans la prière, croyez que vous l'obtenez, et ce sera (fait) pour vous. Lorsque vous vous tenez debout pour prier, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous pardonne vos offenses. » (Marc. 11,12-14 [..]19-25)

 

Ces deux versets illustrent la puissance de la parole créatrice de Dieu et permet de repenser la théorie de l’évolution.]

 

 

« Et je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci te meurtrira à la tête, et tu la meurtriras au talon. » (V.15)


Ce passage est désigné comme étant le proto-évangile. Depuis la plus haute antiquité chrétienne, il est considéré comme la première annonce de la Rédemption, du Salut. En fait, il est la clef pour comprendre toute la Révélation qui intègre les deux Testaments. Il faut se souvenir que l’Evangile éclaire l’Ancien Testament puisqu’il l’accomplit.

 

[Le rôle de la Nouvelle Eve est entièrement contenu dans ce passage ; Marie, l’Immaculée, redoutée depuis l’origine du projet de Dieu sur l’homme par Lucifer, est intimement liée à l’œuvre rédemptrice. Son talon ce sont tous ses enfants qu’elle adopte au baptême et qui, pour certains d’entre eux, deviendront son armée de vérité et d’amour. Ce verset confirme que Dieu, recherche l’aveu, car sa démarche de miséricorde est instantanément à l’œuvre, son dialogue avec le premier couple s’inscrit dans la perspective de la Rédemption.]

 

 

« A la femme il dit : " je multiplierai tes souffrances, et spécialement celles de ta grossesse; tu enfanteras des fils dans la douleur ; ton désir se portera vers ton mari, et il dominera sur toi. »(V.16)


La voie de la sanctification commence, c’est par la souffrance, c’est-à-dire une succession de manques. Le manque a commencé par un mensonge, une privation de la vérité. Le mal est un manque, une privation de bien, d’amour, d’humilité. Dieu énumère les manques, les a-t-IL produits ? Non ! Peut-IL les supprimer ? Oui ! Pourquoi ne le fait-IL pas ? A cause de la liberté. Les épreuves, les manques vont devenir des puissances de salut.

Les douleurs de l’enfantement sont liées à la mort, ces deux étapes marquent la temporalité de la vie physique. Le fait que la vie de l’homme sur terre soit mesurable est l’une des blessures ontologiques objectives.

 

[L’homme dominera sur la femme, ce n’est en rien la justification que l’homme soit supérieur à la femme, mais la première expression des aliénations. La domination de l’homme sur la femme n’est pas un droit, mais une épreuve aliénante. Relier le droit public et privé à ce verset pour justifier le machisme est une erreur, une faute morale qui blesse la dignité des deux, car les deux sont à égalité de responsabilité devant la faute originelle. Ils sont égaux dans la Rédemption, dans l’amour, dans la mort, mais leur identité sexuelle et leur mission spécifique sont réaffirmées.

La domination de l’homme sur la femme est de l’ordre de l’appétence, elle exprime que la blessure du péché originel va jusque là… L’union des corps devient un lieu de sanctification dans laquelle le don de l’un à l’autre est total, exclusif, jaloux, car elle exprime une fusion morale, affective, spirituelle et charnelle.

Il subsiste des courants qui, dans la chrétienté, proposent de considérer que la nature du péché originel serait de l’ordre sexuel. Cette proposition est hérétique : « Dieu tout-puissant a créé l’homme droit, sans péché, et avec le libre arbitre, et il l’a placé dans le paradis, voulant qu’il demeure dans la sainteté de la justice. L’homme, ayant mal usé de son libre arbitre, a péché et est tombé, et il est devenu « masse de perdition » de tout le genre humain. » (Denzinger n°621)]

 

 

« Il dit à l'homme : " Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : Tu n'en mangeras pas, le sol est maudit à cause de toi. C'est par un travail pénible que tu en tireras, ta nourriture, tous les jours de ta vie ; il te produira des épines et des chardons, et tu mangeras l'herbe des champs. C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes à la terre, parce que c'est d'elle que tu as été pris; car tu es poussière et tu retourneras en poussière. » (V17-19)


Il apparaît clairement que si la femme eut tort de s’être laissée séduire, l’homme eut le tort de ne pas lui avoir portée secours. Il trouva, dans la relation de la femme avec le Serpent, sa complaisance et y adhéra de toute sa liberté. Leur coresponsabilité est ici parfaitement signifiée, ils ont commis la faute en même temps, unis dans leur usage du libre arbitre et de leur liberté de conscience. Ils ne se sont pas sentis redevables vis-à-vis de Dieu puisque leur existence ne dépendait pas de leur bon vouloir ; en quelque sorte, ils n’avaient pas demandé à être appelés à la vie, ils ne devaient donc rien à Dieu.

 

[Parmi la liste des manques, il y a la pénibilité du travail. Si Dieu le maintient comme Co-créateur, le travail devient un instrument de sanctification. Et, évènement extraordinaire, il va connaître moralement, physiquement, psycho-logiquement et spirituellement l’épreuve de la mort physique. Son corps retournera à la terre, à la glaise, c’est-à-dire à la souche matérielle des. Et qu’elle qu’ait pu être la gloire de l’homme sur la terre des vivants, il n’en ramènera rien dans l’éternité sauf la qualité des intentions qui auront ordonné ses actes et qui détermineront la nature de son éternité. Il n’emportera rien de ce qu’il aura accumulé sur terre. Il laissera tout aux autres…

La vie de l’homme sur terre n’est rien d’autre qu’une succession de privations qu’on ne parvient à combler qu’en invitant Dieu dans la totalité de sa vie et de son être. Pour y parvenir, il faut vivre dans l’action de grâce qui n’est pas possible de concrétiser sans le baptême et la réception régulière des autres sacrements selon la vocation de chacun. La vie d’action de grâce pourrait bien être l’un des sens mystiques de « l’échelle de Jacob » par laquelle s’établit la vie d’union au Christ-Jésus, passage obligé pour atteindre la vision béatifique.]

 

 

« Adam donna à sa femme le nom d'Eve, parce qu'elle a été la mère de tous les vivants. »(V.20)


Dieu a prononcé le Droit et la Justice, il a annoncé la Miséricorde. Ni l’homme, ni la femme ne sont passés à l’aveu, aucun d’entre eux n’a exprimé le moindre regret, le moindre repentir ; au contraire il va encore sanctionner la rupture avec Dieu…

 

[Dieu, durant tout le temps du dialogue n’a pas appelé l’homme par son nom, Adam. La rupture entre la créature et le Créateur est telle que l’homme n’est plus vu comme un fils, mais un étranger inamical. Il faut maintenant attendre la Rédemption pour que l’homme et la femme réintègrent la filiation divine par adoption à travers le Sauveur qui est aussi notre Intercesseur.

La solitude de l’homme et de la femme est totale, face à l’ensemble de la création et coupée de tous les moyens de transcendance pour rejoindre Dieu, le divin : solitude affective, morale, spirituelle, intellectuelle,  d’hostilité – la création lui devient hostile, incompréhensible – c’est le manque le plus lourd. Une nuit totale.

Adam prend conscience de sa solitude et reconnaît la femme comme sa compagne, il lui donne un nom : la vivante, Eve. Il la rapproche de lui. Ils vivront à deux le choix de leur vie. La seule question qui va s’imposer à leur solitude est celle-ci : que vais-je décider radicalement de l’usage de mon libre arbitre ? Car c’est bien à partir de cela que se détermine la qualité et la nature de mon éternité.]

 

Dieu, avant de se retirer sensiblement de la présence de l’homme et de la femme, d’Adam et Eve, IL leur fait un don qui s’inscrit dans la logique du proto-évangile. IL leur offre les moyens naturels de mettre leur pas dans le très ténu rayon de lumière que laisse entrevoir le proto-évangile,  mais aussi la substance du dialogue.

 

 

Yahweh Dieu fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit.(V21)


La première signification de cette tunique, dont le rédacteur précise qu’Il les fit à Adam et à sa femme, Dieu les voit donc dans leur unité sacrale, ontologique sans pour autant que leur identité sexuelle en soit dissoute. C’est l’unité sponsale qui est réactivée.

Adam n’a pas encore nommé sa femme Eve, il le fera plus tard, après l’expulsion du Jardin de Paradis quand elle sera mère, car s’il l’avait fait avant le don de la tunique de peau, Dieu n’eut pas manqué de l’appeler « Eve ».

La première signification semble être liée à la mort ; car la mort ils la contemplent dès l’origine autour d’eux : végétaux, animaux. Leur destinée physique est devenue identique à celle de ces deux ordres inférieurs. Mais ce n’est pas le sens exact de cet épisode.

 

Les Pères de l’Eglise voient dans cet épisode l’activation de la loi morale naturelle et du droit qui en découlera. Cette loi qui n’est pas séparable de la conscience d’être était dissimulée dans l’être de l’homme et de la femme, mais jusqu’alors ils n’en avaient pas l’usage puisque la grâce de leur état de vie originelle suffisait à ce qu’ils aient la maîtrise de leur corps. Ils étaient Immaculés comme pour Marie, l’Immaculée Conception, la Toute Grâces.

 

[Dieu, en leur donnant cet habit de peau, accorde une grâce de prévenance : activer la conscience morale, la mettre en pratique.  Cette conscience morale est inhérente au don de l’animus qui forcément contient la Vérité et, c’est cette vérité qui donne la forme à notre liberté parce qu’elle contient la conscience morale.

Ce qui donne tout son sens à la gravité de la faute contre l’esprit qui n’est pas seulement le rejet de la Miséricorde Divine, celui-ci en fait apparaît davantage comme la conséquence du rejet de la conscience morale donc de la Vérité, c’est-à-dire le rejet de Dieu en soi-même[4].

Si l’homme est capable de vérité c’est parce qu’il l’a en lui-même dès l’instant de l’animation.

L’Eglise l’enseigne, que si Dieu  se cache sensiblement de la présence de l’homme jusqu’à la Rédemption, IL ne l’abandonne jamais. En effet, au moyen de la grâce d’immensité et de la loi morale naturelle, IL lui communique les moyens de ne pas sombrer si bas qu’il rejoigne l’ordre animal…[5]

On doit bien comprendre que la loi morale naturelle n’est en rien contradictoire de l’usage de la liberté, bien au contraire, elle la préserve.

Ainsi donc, nous comprenons bien que l’homme, la femme restent tout à fait responsables de leur acte, sauf bien sur une maladie mentale. Aussi, cette loi dite de gradualité morale apparaît sous un jour qui la rend insupportable au seul regard de la dignité de l’humanité. Elle est inexcusablement réductrice. Elle n’a aucune légitimité pas même au nom de la compassion. C’est une horreur, une insalubrité, une inconvenance morale et spirituelle.

Enlever chez l’homme ou la réduire s’il s’agit d’un acte volontaire, la notion de responsabilité et de culpabilité, c’est à mon sens, l’attaque la plus odieuse, car sournoise, contre la dignité et la grandeur de l’homme. C’est porter une blessure de défiguration en son encontre dans son être profond. C’est un péché mortel, car il porte atteinte à la présence de Dieu en lui ; c’est une malveillance qui ne peut trouver d’excuse.[6]]

 

 

 

Dieu, dans le développement du dialogue, n’excuse pas ni ne pardonne, car aucun des deux ne l’a demandé. Au contraire, IL les tient responsables de leur choix libre quand bien même ont-ils étaient trompés par Lucifer.

On voit que la pédagogie divine qui va se mettre en place n’a pas grand-chose à voir avec cette loi dite de « gradualité morale ». C’est tout le contraire…

L’homme et la femme ont commis la faute en toute lucidité, et le chemin imposé par Dieu en toute Justice n’est pas progressif, mais radicalement rude. C’est le premier degré du Purgatoire et il est sur terre, en cette vie.

 

 

« Et Yahweh Dieu dit: " Voici que l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Maintenant, qu'il n'avance pas sa main, qu'il ne prenne pas aussi de l'arbre de vie, pour en marger et vivre éternellement. " Et Yahweh Dieu le fit sortir du jardin d'Éden, pour qu'il cultivât la terre d'où il avait été pris. Et il chassa l'homme, et il mit à l'orient du jardin d'Éden les Chérubins et la flamme de l'épée tournoyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie. » (V.22-23)


 Dieu fait un diagnostique, l’homme est atteint d’un manque profond, il peut définir pour lui-même et selon ses besoins ce qu’est le bien et le mal. Il est semblable à Dieu en ce qu’il se considère comme seul maître de sa destinée, il peut se définir par lui-même à lui-même, être sa seule mesure. Ce qui peut se résumer par la phrase de René Descartes : « Je pense donc je suis. » C’est moi, l’homme, qui me donne à l’existence et je suis, de par ma volonté, ma propre essence, je suis mon propre dieu. On ne peut pas mieux définir, me semble-t-il, la situation de révolte dans laquelle se trouve le premier couple au soir de son péché originel.

 

[Il y a deux écoles qui proposent deux interprétations différentes au sujet du Jardin de Paradis :

1e L’Ecole Moderne d’exégèse, influencée par le courant allemand, dit : le Jardin est un symbole, il n’a aucune existence physique. Il représente un état particulier de grâce.

2e L’Ecole Orientale dit : il s’agit bien d’un lieu réel et que, selon Catherine Emmerich, il se situerait entre le nord de l’Ethiopie et le sud de l’Afghanistan.

Je considère que c’est l’Ecole Orientale qui a raison. Le Jardin de Paradis était, sans nul doute, le lieu témoin de ce qui serait arrivé à toute la terre si la tentation du Serpent avait été surmontée. Nos premiers parents historiques avaient toute connaissance pour pouvoir choisir, car la liberté et la responsabilité introduisent l’idée de pleine connaissance sans laquelle il ne peut y avoir de culpabilité.]

 

 

« Maintenant, qu'il n'avance pas sa main, qu'il ne prenne pas aussi de l'arbre de vie, pour en marger et vivre éternellement. »


Ce verset est très différent si on s’en tient seulement à l’hébreu archaïque non syllabique. La traduction devient ceci : « nous prendrons de l’arbre de vie. »

 

[La perte du Jardin de Paradis est réelle physiquement, mais elle sanctionne la chute intérieure, la perte de la grâce  liée à leur état immaculé ; cette chute ne leur permet pas de se saisir de l’arbre de vie. Pourtant, dans la logique de leur révolte, ils déclarent, selon la traduction non-syllabique, qu’ils prendront de cet arbre. Ce qui vient d’arriver ! En effet, comme l’avait annoncé le prophète Daniel, par le vote de la loi de bioéthique 2004 et 2011 la transgression a bien eu lieu. L’homme s’est saisi de l’arbre de vie puisqu’il est parvenu à déplacer des cellules d’homme pour produire un clonage d’homme sans compter toutes les manipulations génétiques.

Nous le savons, dans la perspective eschatologique, les fins de temps, il faut que le péché soit consommé totalement, la dernière étape étant l’Antéchrist.]

(A suivre)

 

 

 

 

 



[1] C‘est peut-être de là que vient si facilement l’erreur de croire que le péché originel est la consommation sexuelle, ce qui est faux. C’est l’un des points sur lequel se sont élaborés le puritanisme et la morale janséniste, morale d’orgueil. L’exposition volontaire de la nudité – les nudistes – qu’ils le veuillent ou non souffrent d’une atrophie de la conscience. Cette honte est une blessure d’orgueil pas le début d’un sentiment de culpabilité.

[2] Elle exprime les infestations de la psychanalyse freudienne qui balaye le concept de péché et de responsabilité, chargeant abusivement la société des responsabilités individuelles de chacun et rend difficile la compréhension de la communion des saints et, avec une fatalité implacable, elle rejette la notion de vérité.

[3] Guillaume d’Occam, franciscain, excommunié par le pape Jean XXII, fit la proposition suivante : « La seule source de connaissance est l’intuition, la perception sensible ; celle-ci ne peut saisir que le particulier non le général ;[…] la science philosophique est étrangère à la théologie ; dieu ne peut-être connu que par la foi et la Révélation. »

[4] A partir de l’âge de raison, 7 ans, tout humain peut décider, signifier sont rejet ontologique de Dieu ; que l’on se souvienne de la descente en Enfer de sainte Thérèse d’Avila, elle y vit un enfant de sept à huit ans. Nous n’avons pas le droit d’exposer un enfant au mal.

[5] Parmi les nombreux témoignages donnés lors de la libération des camps de concentration nazis, il y a celui-ci qui illustre la capacité terrifiante qu’a l’homme de se donner librement à sa propre déchéance : « un interné de confession juive accepta la proposition suivante : si tu acceptes d’aboyer à chaque fois qu’un nazi passera cette grille tu prolongeras d’autant ta vie… Il le fit et devint fou. A un autre condamné à la pendaison immédiate, il lui fut proposé, pour prolonger sa vie, de se masturber devant ses camarades d’internement et les officiers nazis, il accepta. Ce sont là des exemples affligeants de ce que l’homme oublieux de sa dignité qui procède de la Vérité qui est en lui est capable de déchoir… Il n’est pas question ici de prononcer un jugement, mais de bien comprendre à quel point on se doit de respecter en soi la conscience morale et pour y parvenir, il n’est qu’un moyen, ne rien faire de mal volontairement et de ne jamais concéder quoique ce soit de la dignité qui nous habite et nous dépasse.

[6] Je n’ai jamais excusé mes enfants, mais je leur ai toujours pardonnés ; j’ai toujours veillé à ce qu’ils soient responsables de leur acte. J’ai pris le risque de ne plus être aimé d’eux, mais Dieu qui est en eux l’exige, car du désire de l’enfant à sa naissance et de sa naissance à ma mort, je me dois de le porter en présence de Dieu. (Témoignage personnel.)



16/10/2011
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